Édition du 14 mars 2005 / volume 39, numéro 24
 
  Il faut sauver les oiseaux de proie!
Chaque aspirant vétérinaire doit effectuer un stage à la Clinique des oiseaux de proie

Sébastien Pion exhibe une buse à queue rousse qui a été élevée illégalement en captivité. Elle est devenue un «oiseau ambassadeur» de l’organisme.

Du haut de leur perchoir, deux imposants pygargues à tête blanche attendent le moment opportun pour foncer sur leur proie dans l’immense volière de l’Union québécoise de réhabilitation des oiseaux de proie (UQROP), à Saint-Jude, en Montérégie. «Nous pouvons les voir mais eux ne peuvent pas», précise notre hôte, Sébastien Pion, étudiant en médecine vétérinaire et vice-président de l’UQROP, alors que nous nous pressons devant le miroir sans tain pour observer ces rapaces de la famille des aigles, symbole aviaire des États-Unis.

Ici, tout est mis en œuvre pour permettre aux oiseaux de se préparer à la liberté qui les attend dans quelques jours ou quelques mois, selon leur bilan de santé. On a même déjà installé un grand bassin dans lequel on avait introduit des poissons vivants pour que les balbuzards pêcheurs, extrêmement capricieux au chapitre de la fraicheur du menu, puissent s’alimenter durant leur convalescence.

Sébastien Pion a exceptionnellement permis à Forum, en plein mois de mars, de visiter les volières de l’organisme, où environ 35 oiseaux sont en convalescence après avoir reçu des soins spécialisés à la Clinique des oiseaux de proie. Avant d’être remis en liberté, ces oiseaux doivent réapprendre à voler et ils se trouvent ici comme dans un hôpital de réadaptation. Chouette lapone, grand duc, petite nyctale, buse à queue rousse, harfang des neiges, autour des palombes, faucon pèlerin: des représentants de la plupart des 27 espèces d’oiseaux de proie qu’on peut observer au Québec se trouvent dans l’une ou l’autre des 22 volières de l’UQROP disséminées dans la forêt. Pour nourrir ces carnivores, plus de 1000 souris et un nombre incalculable de poussins rejetés par les élevages de la région y sont acheminés chaque mois.

La plus spacieuse des volières a été construite par une centaine de bénévoles il y a 10 ans afin de compléter le travail entrepris par Guy Fitzgerald et son équipe de spécialistes de la faune aviaire qui, dans un local de la Faculté de médecine vétérinaire, soignaient des oiseaux blessés. Victimes de coups de feu tirés par des braconniers, de collisions avec des véhicules ou d’autres accidents, ces oiseaux étaient jusque-là abandonnés à leur sort.

Épervier de Cooper

350 patients par an

La Clinique des oiseaux de proie, où chaque aspirant vétérinaire doit suivre un stage durant sa formation, reçoit annuellement quelque 350 oiseaux blessés qui proviennent de tous les coins du Québec. En vertu d’une entente avec le service de courrier Dicom Express, les individus capturés à Sept-Îles ou à Chibougamau peuvent être transportés gratuitement dans une salle d’auscultation de Saint-Hyacinthe. Tout ça généralement en moins de 24 heures. Par la suite, les «patients» sont hospitalisés quelque temps avant d’être transférés à Saint-Jude pour un séjour de réhabilitation. Quand les vétérinaires jugent que les oiseaux peuvent être relâchés, ils organisent pour l’occasion une cérémonie où sont invités les administrateurs régionaux, les enfants d’une école ou un donateur qui a «parrainé» l’initiative. Il en coute jusqu’à 1000 $ pour financer la remise en liberté d’un pygargue, d’un aigle royal ou d’un harfang. «C’est un moyen pour l’UQROP de s’autofinancer, car je ne vous cache pas que la recherche de subventions est une corvée annuelle qui demande beaucoup d’énergie à notre personnel», mentionne le vice-président.

À l’entrée des volières, on trouve des plaques sur lesquelles figurent les noms de quelques bienfaiteurs (organismes ou particuliers) qui ont permis la construction des installations. La Fondation Shell, l’Ordre des médecins vétérinaires du Québec, l’Association québécoise des groupes d’ornithologues et plusieurs autres ont associé leur nom à cette cause.

Selon le Dr Stéphane Lair, spécialisé dans les soins aux animaux «non usuels» à la Faculté de médecine vétérinaire, l’Université de Montréal et l’UQROP collaborent de façon harmonieuse depuis plus de 10 ans maintenant. «C’est une symbiose, explique-t-il: les oiseaux de l’UQROP servent à l’enseignement pour la formation des étudiants de la Faculté et l’UQROP profite des soins donnés aux oiseaux de proie.»

Une vie transformée

Cette chouette épervière a perdu une aile. Elle est donc installée à demeure dans une volière de l’UQROP.

La Clinique des oiseaux de proie a eu un impact déterminant sur la vie de Sébastien Pion. Alors qu’il étudiait dans une école secondaire de Saint-Hyacinthe, l’adolescent de 13 ans a effectué un stage de travail communautaire dans l’établissement fondé par Guy Fitzgerald. «Je ne devais m’engager que pour 15 heures pendant l’année. J’en ai fait au moins 150», relate-t-il en riant.

Devenu bénévole à l’UQROP, il a d’abord balayé le plancher et fait le ménage des cages. Puis il
a assisté les vétérinaires dans leurs auscultations et est devenu animateur dans les écoles et le jardin zoologique de Granby, où l’UQROP donne jusqu’à trois présentations par jour au cours de l’été. «Finalement, j’ai décidé de devenir vétérinaire. Jusque-là, je n’avais aucune idée de ce que j’allais faire dans la vie», dit-il.

Comme de nombreux spécialistes de la faune, il ne se fait aucune illusion sur les possibilités d’emploi offertes dans le secteur des animaux sauvages. En revanche, à l’issue de sa formation, dans deux ans, il aura touché à de multiples aspects de la santé des oiseaux. Il pourra mettre à profit cette expertise ainsi acquise dans les soins des perroquets et autres oiseaux exotiques, dont l’engouement est en hausse au Québec comme dans le reste de l’Amérique du Nord.

Le vice-président de l’UQROP lance un appel aux gens qui, comme lui, ont à cœur la survie des oiseaux de proie. Car l’organisme est actuellement à la recherche de donateurs. De juin à octobre, de 7000 à 9000 visiteurs se présentent chaque année au centre Chouette à voir de Saint-Jude. Et les nombreuses animations atteignent aussi un large public. «Nous faisons un grand travail de sensibilisation et d’éducation en respect de l’environnement. Pourtant, aucun ministère ne nous finance de manière récurrente», déplore-t-il.

On peut visiter le site de l’UQROP au <www.uqrop.qc.ca>.

Mathieu-Robert Sauvé



 
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