Édition du 21 mars 2005 / volume 39, numéro 25
 
  L’École d’architecture reconstitue le passé de Byblos
La revalorisation d’un des plus vieux sites archéologiques du monde s’impose pour sauver la mémoire de lieux historiques

Les gradins du théâtre romain de Byblos, reconstitué par l’équipe de Giovanni De Paoli. L’outil utilisé permet de calculer l’angle de vue pour chaque place.

La ville libanaise de Byblos, l’une des plus anciennes cités du monde, est en voie de resurgir du passé grâce à un projet de recherche avant-gardiste de l’École d’architecture. À l’aide d’un outil numérique unique en son genre et qui a déjà fait ses preuves dans la modélisation de la colline Parlementaire à Québec, des temples de Karnak et de la station spatiale, Giovanni De Paoli a entrepris de modéliser les édifices disparus de Byblos.

Le projet, effectué dans le cadre des travaux du Groupe de recherche en conception assistée par ordinateur (GRCAO), vise non seulement à reconstituer les bâtiments comme ils étaient dans les siècles passés, mais à faire connaitre le travail de ses artisans, les méthodes de construction ou même les activités de la vie quotidienne qui animaient les rues de la cité.

Une autre perspective du théâtre romain de Byblos. À l’arrière, la tour des Croisés.

7000 ans d’histoire

Byblos est situé sur les rives de la Méditerranée, à 50 km au nord de Beyrouth, et fait partie du patrimoine mondial de l’UNESCO. Son origine remonte à 7000 ans et l’on y trouve des traces de plusieurs civilisations du Néolithique et de l’âge du bronze, des vestiges du début de la civilisation phénicienne de même que des constructions égyptiennes, grecques et romaines, sans oublier celles laissées par les croisés. Des plaques d’écriture phénicienne découvertes sur place auraient donné son nom à la ville.

Dans les années 40, on y a mis au jour des canalisations romaines qui montrent l’existence de conduites séparées d’eau chaude et d’eau froide pour les bains publics.

Le projet du professeur De Paoli s’inscrit dans un vaste travail de revalorisation des sites archéologiques de Byblos parrainé par la Banque mondiale. Il a reçu l’appui du gouvernement libanais, qui s’intéresse au tourisme culturel. La contribution du GRCAO porte plus précisément sur un théâtre romain, un volet sur lequel travaille Nada El-Khoury, étudiante au doctorat. «À partir des ruines et des descriptions écrites ou rapportées par la tradition orale, nous avons reconstitué une image complète et fiable de ce qu’était ce théâtre», indique l’étudiante.

Des ruines d’habitations autour du théâtre de Byblos surplombant la Méditerranée.

À l’aide de l’outil du GRCAO, l’équipe a même pu établir l’angle de vue pour chaque place du théâtre. «Les données et les artéfacts rendent possible une interprétation des lieux et notre outil permet de visualiser cette interprétation, de rendre visible l’invisible, ajoute Giovanni De Paoli. À partir de l’observation, nous essayons de restituer les savoir-faire. On pourrait aussi reproduire les alentours du théâtre et montrer comment les gens vivaient selon les différentes époques de la ville.»

Transmettre plutôt que montrer

Les reconstitutions permettront de matérialiser la mémoire de la ville avec les connaissances techniques, historiques, culturelles ou même philosophiques de ses habitants et d’offrir aux visiteurs un véritable voyage dans le temps. Plus qu’un simple inventaire de techniques et d’informations historiques, le projet a d’abord comme objectif la transmission de ces savoir-faire par un recours à l’ensemble des nouvelles technologies de la communication.

Nada El-Khoury

Giovanni De Paoli

Aucun moyen n’est écarté: écrans géants sur le site, animations 3D, projections laser ou même d’hologrammes. Le professeur se plait même à rêver aux possibilités qu’offre le GPS combiné avec l’écran du téléphone portable et qui pourrait donner de l’information sur l’endroit précis où se trouve le visiteur sur le site.

Pour Giovanni De Paoli, il devient de plus en plus urgent de procéder à ce genre de reconstitution pour sauver la mémoire des lieux puisque la disparition des traces matérielles risque de s’accélérer à cause de la pollution atmosphérique et des guerres.

Ce projet de recherche, qui s’étalera sur deux ou trois ans, met également à contribution des chercheurs de trois autres unités de l’UdeM, soit le Centre d’études classiques, le Laboratoire des usages et du design des technologies d’information et de communication et la Chaire de recherche du Canada en patrimoine bâti. Des chercheurs de l’Académie libanaise des beaux-arts participent également aux travaux.

Daniel Baril



 
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