Édition du 28 mars 2005 / volume 39, numéro 26
 
  année internationale de la physique
La découverte des mondes lointains

Représentation artistique d’une planète extrasolaire accompagnée d’une lune recouverte d’eau.

Fais-nous encore connaitre ce qu’est vraiment le ciel, ce que sont vraiment les planètes de tous les astres ; comment les mondes infinis sont distincts les uns des autres
.

La citation du prêtre dominicain Giordano Bruno, tirée de son ouvrage De l’infini de l’univers et des mondes publié en 1584, illustre à merveille les spéculations de tout temps entourant l’existence de mondes lointains parmi les étoiles. D’Hérodote à Flammarion en passant par Kant, Goethe, Fontenelle et Huygens, de nombreux savants et philosophes se sont interrogés sur la nature d’hypothétiques planètes extrasolaires en orbite autour d’autres étoiles. Toutefois, ce n’est que récemment que l’hypothèse a pu être confirmée grâce à la mise au point de télescopes et de détecteurs sophistiqués.

L’année 2005 marque le 10e anniversaire de la découverte d’une première planète en orbite autour d’une étoile semblable à notre soleil. En effet, en novembre 1995, Michel Mayor et Didier Queloz, de l’observatoire de Genève, publient un article dans la revue Nature qui confirme l’existence d’une planète deux fois moins massive que Jupiter orbitant en un peu plus de quatre jours autour de l’étoile 51 de la constellation de Pégase. Depuis, plus de 150 nouveaux objets ont été repérés et ajoutés au catalogue des planètes extrasolaires.

Le taux de découverte des nouvelles planètes, de 10 à 20 par année, laisse croire que leur détection est relativement aisée. Or, il n’en est rien. Ainsi, à ce jour, aucun télescope n’a réussi à photographier directement une planète tout près de son étoile parente. Ceci peut sembler étonnant, car on admire depuis longtemps des images des planètes de notre propre système solaire. Dans ce cas cependant, la position de la Terre sur son orbite fait en sorte que nous ne sommes jamais aveuglés par la lumière du Soleil lorsqu’on observe, par exemple, Mars ou Saturne. Pour ce qui est des planètes extrasolaires, compte tenu des distances «astronomiques» où elles se trouvent, la faible lueur de ces astres devient complètement noyée dans l’éclat de leur étoile. À partir de Montréal, le défi est équivalent à celui de photographier une balle de golf placée à quelques mètres d’un ballon dont la brillance est un milliard de fois plus grande, quelque part sur une plage de Bali!

Pour le moment, la détection des planètes extrasolaires repose sur quatre méthodes indirectes. Parmi celles-ci, la plus fructueuse à ce jour est une technique spectroscopique (aussi connue sous le nom de méthode Doppler) qui consiste à mesurer les variations de vitesse d’une étoile causées par une ou plusieurs planètes en orbite autour de celle-ci. À titre d’exemple, dans notre système solaire, le mouvement de Jupiter – la plus massive des planètes (environ 320 fois la masse de la Terre) – modifie la vitesse du Soleil d’environ 13 m/s en 12 ans, soit la période orbitale de Jupiter autour du Soleil. La méthode Doppler a une précision de 2 à 3 m/s. Elle permet de détecter des planètes dont la masse minimale est d’environ 15 fois celle de notre planète. La découverte de planètes semblables à la Terre n’est donc pas encore à notre portée!

Les différentes techniques de détection ont permis de caractériser les propriétés physiques des planètes extrasolaires (masse et rayon), de même que leurs propriétés orbitales (période, taille et forme des orbites). Dans plusieurs cas, on trouve des géantes gazeuses sur des orbites circulaires très rapprochées de leur étoile, tandis que d’autres systèmes sont formés de planètes massives en orbite fortement elliptique à grande distance. L’aspect le plus étonnant de tous ces systèmes planétaires est sans contredit leur très grande diversité. En fait, notre système solaire – avec ses petites planètes telluriques rapprochées (Mercure, Vénus, la Terre et Mars) et ses géantes gazeuses éloignées (Jupiter, Saturne, Uranus et Neptune) – ne ressemble à aucun de ces nouveaux systèmes. Il est encore trop tôt pour dire si les différences sont significatives puisque l’échantillon des étoiles observées est relativement modeste.

L’avenir de la recherche astronomique dans ce domaine s’annonce prometteur. Au cours des deux prochaines décennies, plusieurs grands télescopes seront mis en service. Parmi ceux-ci, mentionnons les observatoires spatiaux Hershel et Darwin, de l’Agence spatiale européenne, ainsi que le James Webb Space Telescope et le Terrestrial Planet Finder, de la NASA. Grâce à ces instruments, les astronomes pourront entre autres étudier les mécanismes de formation des étoiles et de leur système planétaire de même qu’éventuellement photographier et surtout mesurer les propriétés physiques et chimiques des planètes extrasolaires. Ultimement, les données d’observation obtenues permettront de déterminer si une forme d’activité biologique, en d’autres termes la vie, est apparue dans ces mondes lointains.

Robert Lamontagne
Astronome ingénieur
Département de physique
Collaboration spéciale



 
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