Édition du 28 mars 2005 / volume 39, numéro 26
 
  capsule science
Les animaux ont-ils un sixième sens?

Les médias en ont fait abondamment état après le tsunami du 26 décembre dernier: les animaux des pays dévastés auraient «miraculeusement» échappé aux vagues meurtrières. Ils auraient un «sixième sens» leur permettant d’anticiper les séismes. Même si des communiqués passés quasiment sous silence ont par la suite fait état de milliers d’animaux morts en Inde (Associated Press, 4 janvier), la nouvelle en a séduit plus d’un.

«Plusieurs animaux, notamment les pigeons, sont sensibles aux variations du champ magnétique et les chiens réagissent parfois à l’imminence d’un orage, reconnait Frédérique Dubois, professeure d’éthologie au Département de sciences biologiques. Mais s’il y avait des preuves que des animaux peuvent détecter en avance les tremblements de terre, cette capacité serait utilisée en recherche. À ma connaissance, il n’y a pas de fait documenté sur le sujet.»

Pour son collègue Georg Baron, professeur retraité du même département, la notion de sixième sens est «de la foutaise». «Je ne crois pas que des mammifères possèdent des organes pour percevoir une énergie chimique, mécanique, magnétique ou électrique qui n’existeraient pas chez la plupart des autres animaux», souligne-t-il.

Ceci dit, il explique que les éléphants, notamment, discernent des infrasons et que les grondements des tremblements de terre sont des fréquences basses. Leurs pattes sont également très sensibles aux faibles vibrations, mais l’ancien professeur n’est pas au courant de l’existence de cas documentés sur des réactions précédant des séismes.

Le professeur Stéphane Lair, spécialiste des «animaux inusuels» à la Faculté de médecine vétérinaire, doute lui aussi que les faits rapportés sur le sujet aillent plus loin que des anecdotes. «Quoi qu’il en soit, il est évident que la rareté des séismes n’a pu faire en sorte que la sélection naturelle retienne une habileté propre aux tremblements de terre», dit-il.

Malgré certains sens plus aigus chez certains animaux, les spécialistes sont sceptiques dans le cas du tsunami du mois de décembre puisqu’il aurait fallu que les animaux – lesquels? – fassent le lien entre le tremblement de terre et l’arrivée de la vague. Avant de frapper la côte pour s’élever de 10 à 15 m, l’onde du tsunami en haute mer faisait moins de 1 m de hauteur et était tout à fait silencieuse et imperceptible!

Là d’où part la rumeur des animaux ayant «su» éviter le tsunami, soit au Sri Lanka, la vague est arrivée une heure et demie après la secousse! Impossible d’associer les deux évènements. Cette rumeur n’est pas attribuable à des témoins qui auraient vu des éléphants s’enfuir, mais prend sa source dans la déclaration d’un directeur du service de conservation de la nature qui, moins de 72 heures après la catastrophe, disait n’avoir vu aucun animal mort dans le parc de Yala. Ce parc, apprend-on dans un bilan récent faisant état d’une hécatombe chez les petits animaux (le Daily News du Sri Lanka, 3 mars), est protégé par des dunes et la vague n’avait à cet endroit que cinq mètres de haut. Le parc a été inondé mais pas dévasté.

Toutefois, les explications de ce genre sont moins séduisantes que le paranormal et ne font pas les manchettes. Et les mythes ont la vie dure.

Daniel Baril



 
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