Édition du 4 avril 2005 / volume 39, numéro 27
 
  Les beuveries comportent des risques, même pour les abstinents
Une beuverie par semaine dans un groupe augmente de 5 % le risque d’être confronté à un méfait lié à l’alcool

Un groupe de jeunes qui consomment six bières ou plus chacun sont dans une situation de beuverie.

Le mois d’avril est le mois où se préparent les fêtes de fin d’année au secondaire et l’on sait que ces fêtes sont généralement bien arrosées. Il est également bien connu que la consommation d’alcool comporte des risques pour la santé et peut être un facteur de trouble du comportement.

Selon une étude de Jean-Sébastien Fallu, professeur à l’École de psychoéducation, les beuveries ou la consommation globale d’alcool par l’ensemble d’une classe en particulier présentent des risques significatifs même pour les élèves qui ne consomment pas.

«Jusqu’aux années 90, les études ne considéraient que le volume de consommation individuelle pour mesurer ou prédire les conséquences négatives de la consommation d’alcool, explique-t-il. Récemment les chercheurs y ont ajouté les occasions de beuverie qui constituent un risque particulièrement élevé d’intoxication, d’absentéisme scolaire, d’activités sexuelles à risque, de bagarres et de conduite en état d’ébriété.»

Mais un autre facteur est à prendre en considération: l’indice environnemental. «Dans un environnement de forte consommation d’alcool, une personne court plus de risques d’être affectée par des problèmes liés à l’alcool que dans un environnement où la consommation est moindre, et cela, même si la consommation de cette personne était identique dans les deux environnements», résume le professeur.

Problèmes liés à l’alcool

Jean-Sébastien Fallu

Pour arriver à ce constat, Jean-Sébastien Fallu a pris en compte les habitudes de consommation (fréquence des beuveries et consommation moyenne par classe) de quelque 6500 élèves suisses âgés de 12 à 16 ans, données qu’il a corrélées avec des problèmes de comportements agressifs. On considère comme une beuverie une situation où le jeune consomme l’équivalent de six bières ou plus. La même étude a été menée auprès de 2450 élèves de deuxième cycle du secondaire en Ontario dans le cadre d’une étude postdoctorale au Centre de toxicomanie et de santé mentale de Toronto.

Dans cette province, la consommation moyenne du groupe à l’étude (dont l’âge moyen est de 16 ans) est de 4,3 consommations par semaine; 11 % des jeunes s’adonnent à une beuverie une fois par semaine et 16 % le font une fois par mois.

Les six variables retenues pour mesurer les risques liés à l’alcool sont les disputes, les bagarres, les accidents et blessures, la perte d’argent, le bris de biens matériels et le vol. Chaque élève avait à indiquer si, au cours des 12 derniers mois, il s’était rendu coupable ou avait été victime de tels incidents en association avec la consommation d’alcool.

Les résultats, qui sont pour ainsi dire identiques dans l’étude ontarienne et dans l’étude suisse, montrent que, dans un groupe classe où des élèves participeraient à une beuverie par semaine, le risque d’être aux prises avec l’un ou l’autre des six méfaits augmente de cinq pour cent par rapport à un environnement où il n’y aurait pas de beuverie.

Si le volume moyen de consommation pour la classe augmente de une consommation par semaine par élève, chaque élève de ce groupe risque de commettre ou de subir, au cours de la semaine, un méfait de plus engendré par l’alcool.

Pour Jean-Sébastien Fallu, ces augmentations apparemment faibles sont importantes puisqu’elles excluent l’effet des autres variables susceptibles d’avoir un impact sur la consommation individuelle et les comportements délictueux, soit l’âge, le sexe, le statut socioéconomique, la consommation de tabac et de cannabis, les relations parentales et l’âge de l’initiation à la consommation d’alcool.

«Il s’agit véritablement de l’effet associé à la consommation dans le milieu environnant, affirme-t-il. Si l’on veut prédire de façon efficace les problèmes liés à la consommation d’alcool, les indicateurs environnementaux doivent être considérés.» Ce qu’il a en fait mesuré pour un groupe classe est l’équivalent, toute proportion gardée, du risque d’être heurté par un conducteur ivre dans un quartier donné, risque mesuré selon la consommation globale et selon le nombre de beuveries dans le quartier, qu’on soit abstinent ou non.

Mesures de prévention

À la lumière de ces résultats, le chercheur trace des pistes d’interventions préventives. «Si les programmes d’éducation axés sur la modification du comportement individuel donnent peu ou pas d’effets à long terme quant à la consommation de drogue, des mesures destinées à modifier la culture scolaire de consommation pourraient s’avérer plus efficaces», pense-t-il.

Ces mesures pourraient inclure l’application de règles strictes quant à la consommation d’alcool dans des fêtes à l’école et quant au respect de l’âge minimal requis pour acheter de l’alcool dans les points de vente aux abords de l’école. «La création d’un climat scolaire qui décourage la consommation à l’école et les beuveries pourrait réduire les méfaits liés à l’alcool pour un individu donné sans que sa propre consommation ait été modifiée», conclut Jean-Sébastien Fallu.

La mise en place de telles mesures devrait toutefois être suivie de près et à long terme non seulement pour en déterminer les résultats, mais aussi pour éviter les possibles effets pervers des politiques scolaires de contrôle, prévient le chercheur.

Daniel Baril



 
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