Édition du 2 mai 2005 / volume 39, numéro 29
 
  Des citoyens plongent dans la génomique
Les experts et les gens «ordinaires» ne voient pas la science par le même bout de la lorgnette

La génomique est-elle utile à l’humanité? Pour les spécialistes, cela ne fait aucun doute. Pour le grand public, ce n’est pas aussi sûr... «On est parfois surpris lorsqu’on demande à des citoyens de s’exprimer sur les enjeux de la science, et particulièrement en ce qui touche à des sujets liés à la génétique», explique Hubert Doucet, responsable des programmes en bioéthique à l’UdeM.

Pour approfondir ce dialogue entre spécialistes et profanes, auquel il se consacre en marge de sa carrière universitaire, M. Doucet a pris l’initiative l’an dernier d’un processus de consultation original qui vient d’arriver à son terme: la Conférence citoyenne sur les avancées de la biologie humaine à l’ère de la génomique. Les 13 personnes «curieuses et intéressées» mais sans aucune formation scientifique qui ont été recrutées au moyen d’une annonce parue dans La Presse, Voir et Le Journal de Montréal signent un rapport de 18 pages qui témoigne des préoccupations de ceux qu’on appelle parfois «M. et Mme Tout-le-monde».

Ce que ces gens revendiquent: une plus grande transparence dans l’attribution des fonds destinés à la recherche en génomique et, surtout, une plus grande intégration des gens ordinaires. «La voix du citoyen doit être entendue dans la définition des attentes de la société envers les chercheurs scientifiques en génomique (que voulons-nous, de quoi avons-nous besoin, que pouvons-nous collectivement nous offrir?) et dans l’assurance que les fonds publics considérables qui sont investis servent ultimement au plus grand nombre et non à des développements thérapeutiques réservés à un groupe restreint», peut-on lire dans le rapport.

Rencontres capitales

Les participants, dont aucun n’était membre d’un groupe d’intérêts, provenaient d’horizons très divers: communication, arts visuels, techniques ambulancières, secrétariat, études universitaires, travaux publics. Sélectionnés parmi une quarantaine de répondants à l’annonce, ils ont eu l’occasion de se familiariser avec la génomique au cours de trois fins de semaine intensives. Les deux premières (2 et 3 octobre et 4 et 5 décembre 2004) ont été consacrées à des rencontres avec des experts. Et pas les moindres: Michelle Stanton-Jean, présidente du Comité international de bioéthique de l’UNESCO, Guy Bellemare, directeur scientifique à Génome Québec, Claude Laberge, généticien bien connu, Abby Lipman, professeure à l’Université McGill, et Marc-André Sirard, professeur à l’Université Laval.

La troisième fin de semaine, les 5 et 6 février 2005, a été consacrée à la Conférence citoyenne elle-même, à laquelle le public était convié. Pour chaque thème (bienfaits pour la santé et améliorations de la condition humaine; pouvoirs publics et contrôle de la recherche; manipulations du génome humain; cellules souches embryonnaires; propriété intellectuelle et brevets; tests génétiques; accès à l’information génétique), deux participants lançaient une question aux experts invités. Puis une interaction suivait avec le public.

«Ce qui m’a le plus surpris, confie Hubert Doucet, c’est la réaction des gens quant au fossé qui existe entre les promesses des chercheurs et les retombées réelles, concrètes, de la recherche en génomique. On en parle tellement dans les journaux que la population pense que des médicaments sont au point, que des thérapies sont disponibles. On est pourtant loin de ça.»

Du côté des spécialistes, il y a aussi eu des surprises. «Lorsqu’on aborde les questions scientifiques, on se trouve rapidement confronté à l’existence de deux solitudes: le chercheur qui regarde sa science du point de vue de l’avancée scientifique et les autres, soit ceux qui regardent la science et qui en déduisent les retombées potentielles», a commenté par exemple Guy Bellemare. Il a conclu ainsi: «Les gens craignent ce qu’ils ne comprennent pas... mais, une fois bien expliquées, les peurs s’atténuent, les perceptions évoluent et, finalement, la société progresse.»

Les partenaires financiers du Groupe de recherche en bioéthique de l’Université de Montréal pour cette première conférence citoyenne étaient les suivants: Génome Québec, Génome Canada, le Bureau de la biotechnologie et de la science de Santé Canada, ECOGENE-21, l’Institut international de recherche en éthique biomédicale, la Chaire de recherche du Canada en droit et médecine, l’Institut de génétique des Instituts de recherche en santé du Canada, la Faculté des études supérieures de l’UdeM et la Commission canadienne pour l’UNESCO. L’équipe du Centre des sciences de Montréal a aussi contribué au succès de cette conférence.

Mathieu-Robert Sauvé



 
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