Édition du 2 mai 2005 / volume 39, numéro 29
 
  courrier du lecteur
Aux membres du Conseil de l’Université

Au cours des dernières semaines, des membres de la communauté universitaire ont réagi publiquement au rejet par le Conseil de l’Université de la recommandation unanime du comité de consultation pour la nomination du recteur ou de la rectrice. La réponse du chancelier de l’Université, monsieur André Caillé, à la demande de justifier le choix du Conseil (lettre adressée aux membres de l’Assemblée universitaire le 6 avril 2005) n’a fait que confirmer nos inquiétudes. C’est pourquoi nous nous adressons aujourd’hui  (21 avril) aux membres du Conseil de l’Université pour leur demander de revenir sur leur décision et d’entériner la recommandation du comité de consultation.

Selon la charte et les statuts de l’Université de Montréal, le Conseil de l’Université a le pouvoir de nommer le recteur ou la rectrice et cela n’est nullement contesté. Ce qui l’est, c’est la façon dont cela a été fait. Le processus mis en place pour cette nomination n’a pas été respecté et la véritable consultation n’a pas eu lieu. À l’Université de Montréal, la tradition veut que la communauté collabore à la démarche de consultation et que la recommandation du comité de consultation, qui constitue l’aboutissement du processus, soit entérinée par le Conseil de l’Université. Les réserves associées à la nomination d’un candidat ou d’une candidate, de même que l’appui à l’une ou l’autre des personnes, sont transmises au comité de consultation. À la lumière des points de vue exprimés, des critères de sélection établis en accord avec le Conseil de l’Université et au regard des principes devant guider le choix du recteur ou de la rectrice dont ceux privilégiés par le Conseil de l’Université, le comité de consultation fonde sa recommandation. Cette démarche, suivie scrupuleusement par le comité, n’a pourtant pas permis que sa recommandation soit adoptée. Comme le reflètent les propos du chancelier dans sa lettre adressée aux membres de l’Assemblée universitaire, le Conseil de l’Université, prenant appui sur les mêmes critères et au nom des mêmes principes que ceux qu’il avait transmis au comité de consultation, a rejeté la recommandation qui lui était faite par les représentants des différentes composantes de la communauté qui formaient le comité de consultation.

Ce à quoi l’on assiste actuellement à travers la décision du Conseil de l’Université n’est pas un évènement anodin. Par sa décision, le Conseil a brisé le lien de confiance avec la communauté et a fait fi d’un principe fondateur de l’Université, la collégialité. L’Université est un lieu où les savoirs et le patrimoine culturel sont produits, conservés, transmis et remis en question. Pour accomplir sa mission, l’Université doit pouvoir servir l’intérêt général en préservant son statut de service public fondé sur l’autonomie, ainsi que sur la liberté de créer, de penser et de critiquer. Elle peut et doit prétendre au statut de moteur de la vie intellectuelle et culturelle d’une société. L’Université rassemble des professeurs et des étudiants entourés d’un personnel de soutien et administratif qui favorisent l’actualisation de sa mission de recherche et d’enseignement. Le corps professoral est le moteur et le pivot de l’Université. Les professeurs sont les protagonistes responsables des différentes actions qui donnent à l’établissement son sens et son dynamisme sur les plans de la production, de la conservation, de la transmission, de la critique et de la diffusion du savoir. Leur participation à tous les échelons de fonctionnement de l’établissement et, à plus forte raison, à la désignation du recteur ou de la rectrice dont la fonction doit incarner au plus haut niveau les principes et les valeurs institutionnelles, est essentielle à la réalisation de la mission de l’Université, et la collégialité en est le fondement.

Les professeurs de l’Université de Montréal ne peuvent passer sous silence le geste fait par le Conseil de l’Université à l’occasion de la nomination du prochain recteur ou de la prochaine rectrice. Ce geste porte atteinte à l’équilibre et à l’harmonie, qui sont essentiels au développement de notre établissement. Il est sans précédent et à l’opposé de toute imputabilité institutionnelle, en sens contraire des instances et des consensus préalablement établis par la communauté. Cela marque un clivage important entre la volonté de la communauté universitaire et celle du Conseil de l’Université, une fracture évidente entre cette communauté et la personne désignée à titre de recteur ou de rectrice. La fonction critique qu’exercent les universitaires dans la société ne peut demeurer intacte et crédible si les professeurs doivent subir les dictats d’un conseil d’administration qui exerce ses pouvoirs de cette façon. Comme professeurs, nous avons la responsabilité collective de dénoncer le bris de confiance et la négation de la collégialité, qui portent atteinte à l’équilibre et à l’harmonie indispensables au développement de notre établissement. 

[...] Étant donné précisément sa place et son rôle, l’Université de Montréal se doit d’être un modèle de collégialité et de respect de sa communauté. Le comité de consultation était formé de personnes d’horizons
variés, traduisant la richesse et la diversité de notre université. Un tel comité, mandaté par l’Assemblée universitaire, forum privilégié de notre université, reflétait dans sa composition même la vie institutionnelle et les préoccupations les plus larges à l’égard des enjeux importants qui attendent l’Université de Montréal au cours des prochaines années.

Dans un établissement comme l’Université de Montréal, faire fi de la recommandation du comité de consultation n’est pas acceptable. Comment pourrait-il être question dans ces conditions que les membres de la communauté universitaire puissent souscrire à l’appel que leur lance le chancelier de bâtir l’Université de Montréal... «dans laquelle chacun aura sa place»? Le Conseil vient tout juste de nier le sens et la portée d’un tel appel. C’est pourquoi nous prions instamment les membres du Conseil de l’Université de revenir sur leur décision et d’entériner la recommandation unanime du Comité de consultation pour la nomination du prochain recteur ou de la prochaine rectrice.

Les personnes suivantes sont signataires de cette lettre ouverte:

Louis Dumont,
professeur titulaire,
Département de pharmacologie,
Faculté de médecine

Guy Rocher,
professeur titulaire,
Centre de recherche en droit public

Marie-Andrée Bertrand,
professeure émérite retraitée,
École de criminologie,
Faculté des arts et des sciences

Guy Bourgeault,
professeur titulaire,
Département d’administration
et de fondements de l’éducation,
Faculté des sciences de l’éducation

Michel Seymour,
professeur titulaire,
Département de philosophie,
Faculté des arts et des sciences

Francine Gratton,
professeure titulaire,
Faculté des sciences infirmières

Dr Jacques Le Lorier,
professeur titulaire,
Département de médecine,
Faculté de médecine



 
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