Édition du 16 mai 2005 / volume 39, numéro 30
 
  Les animaux au service de la science
Les animaux de laboratoire doivent être bien traités. Sinon, c’est la validité de la recherche qui peut être compromise, dit le vétérinaire Pascal Vachon

Les rats de laboratoire sont traités aux petits ognons.

Combien vaut une souris de laboratoire? Facilement 9 $. Un lapin? 75 $. Un cochon? 500 $. Même les grenouilles destinées à la table de dissection peuvent couter plus de 25 $ chacune. «Les animaux de laboratoire drainent une partie considérable des budgets de recherche, commente le Dr Pascal Vachon, professeur à la Faculté de médecine vétérinaire. Pourquoi payer nos souris si cher quand on en voit à 1 $ pièce à l’animalerie du coin? Parce qu’ainsi nous connaissons leur pédigrée génétique et nous pouvons être certains qu’elles ont été élevées sans pathogène particulier. Ce sont des renseignements qui se paient.»

Depuis près de 15 ans, ce vétérinaire originaire de la Lorraine – immigré au Canada en 1957 – a acquis une expertise en matière d’animaux de laboratoire, un domaine aux frontières de l’éthique, de la médecine et de la biologie. Il est le seul francophone diplômé de l’American College of Laboratory Animal Medicine, une autorité en la matière. Depuis trois ans, c’est lui qui donne aux futurs vétérinaires le cours Médecine des animaux de laboratoire.

Pascal Vachon 

À son avis, les rapports des êtres humains avec les animaux destinés à la recherche n’ont jamais été si satisfaisants. «De grands progrès ont été réalisés depuis 10 ou 15 ans dans ce secteur. Même si des milliers d’animaux sont utilisés quotidiennement dans le monde pour servir l’avancement des connaissances, on a l’obligation de les traiter convenablement. Sinon, la validité même de la recherche peut être attaquée.»

Aujourd’hui, signale le Dr Vachon, il n’est plus question de surcharger les cages des rongeurs destinés à la recherche ou de les affamer pour économiser des fonds. Le nombre d’individus selon la surface est précisé dans les guides sur les bonnes pratiques de laboratoire du Conseil canadien de protection des animaux. Chaque animal devrait avoir dans sa cage une reproduction de ce qu’il trouve dans son milieu naturel. Il pourra ainsi se cacher s’il en ressent le besoin et avoir accès à de l’eau en tout temps. «Ce n’est pas uniquement pour des raisons éthiques qu’on agit ainsi, précise le spécialiste. Si les animaux ne sont pas traités de manière similaire d’un laboratoire à l’autre, cela peut changer les résultats des recherches et rendre la comparaison et l’interprétation des données difficiles.»

Mieux traités que l’homme

Pendant cinq ans, Pascal Vachon a lui-même effectué des visites d’animaleries afin de vérifier si les critères adoptés par les grands conseils subventionnaires étaient appliqués. Il a été vétérinaire clinicien au CHUM de 1994 à 1998, où il s’occupait des souris transgéniques, rats, cochons d’Inde, hamsters, lapins, chats, chiens, porcs, anguilles et grenouilles. «Franchement, les cas de négligence sont rarissimes, relate-t-il. Les chercheurs s’autodisciplinent et savent prendre soin des animaux.»

Lorsqu’un primate vous a couté de 6000 à 8000 $, il vaut mieux faire en sorte que ses conditions de captivité et celles de la recherche soient optimales. Les primates doivent avoir des jeux stimulants et même un contact régulier avec leur gardien officiel.

La question économique fait parfois pencher la balance. Le vétérinaire pense en particulier aux installations que les techniciens appellent les «Hilton pour souris», où chaque pièce est munie d’un système de ventilation à atmosphère positive qui évite toute possibilité de contamination. On y trouve une filtration efficace à 99,9 %. Réservées aux animaux dont le système immunitaire est afffaibli (par exemple les souris transgéniques), ces cages coutent une fortune à l’achat et à l’entretien.

Actuellement, aucune loi ne régit le secteur au Québec. Seul le Conseil canadien de protection des animaux publie deux guides pour inciter les chercheurs à garder à l’esprit le bien-être de l’animal. Même si les directives de ce conseil n’ont pas force de loi, il est arrivé qu’on exige (et obtienne) la fermeture d’un centre de recherche non conforme.

Selon le Dr Vachon, souris et rats sont les plus utilisés dans les laboratoires universitaires et dans les centres de recherche hospitaliers. Mais les chiens (particulièrement les beagles) et les cochons sont aussi très prisés, surtout en raison de la taille de leurs organes, proche de celle des êtres humains. Et l’on rencontre de plus en plus d’animaux étonnants pour de tels lieux: des canards de Pékin, des marmottes, des chiens de prairie. «Dès qu’un animal sauvage souffre d’une maladie semblable à celle d’un humain, il court le risque de devenir un animal de laboratoire», résume-t-il.

Recherches en neurosciences

Parallèlement à son expertise professionnelle, le Dr Vachon mène des travaux de recherche fondamentale depuis ses études de doctorat. Il cherche des solutions à un problème récurrent étudié dans les laboratoires: l’hémorragie intracérébrale et la douleur chronique, pour le traitement desquels on a recours au rat comme modèle expérimental.

On sait qu’après un choc à la tête, tel un accident de voiture, les capillaires de la boite crânienne éclatent et forment un caillot qui peut avoir de graves conséquences. Pour traiter rapidement ce problème, on peut entre autres administrer un anti-inflammatoire. Les produits évalués dans le laboratoire de Pascal Vachon sont la méthylprémisolone et la dexaméthasone, connues pour leurs effets secondaires sérieux à forte dose. Le chercheur tente donc d’établir une dose qui soit à la fois efficace et sans danger.

Dans son laboratoire, les rats sont bien traités.

Mathieu-Robert Sauvé



 
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