Édition du 16 mai 2005 / volume 39, numéro 30
 
  Courrier du lecteur
Et si Bell vous coupait le téléphone pendant trois jours?

Et si Bell vous coupait le téléphone pendant trois jours?

Thierry Karsenti

J’ai toujours de la difficulté à convaincre mes étudiants d’utiliser le service de courriel de l’Université de Montréal. Ils me disent préférer les Hotmail ou Yahoo dont la fiabilité est, selon eux, bien meilleure. De surcroit, la limite d’espace attribuée aux usagers sur ces serveurs de courriel gratuits est de loin supérieure à celle permise par l’Université: 250 Mo sur Hotmail et Yahoo, et 2 Go sur le service de courriel de Google (soit 37 fois plus qu’à l’UdeM).

Que feriez-vous si Bell Canada vous coupait le téléphone pendant trois jours? C’est ce que je me suis demandé quand je ne suis pas arrivé à prendre mes courriels du vendredi soir au lundi matin il y a deux semaines, tellement cet outil de communication est devenu essentiel dans la profession d’enseignant.

Lorsque la panne est survenue, j’étais à Bamako, au Mali, dans le cadre d’un microprogramme de deuxième cycle universitaire. Cette formation portait sur l’intégration des technologies en pédagogie universitaire. Contraint de poursuivre l’enseignement auprès de professeurs d’universités du Mali et du Niger (qui eux, en Afrique, avaient accès au service de courriel de leur établissement – quelle ironie!), je me suis créé, à l’instar de plusieurs de mes étudiants, un compte sur un serveur public.

Que des pannes surviennent, c’est normal. Mais en 2005, ne serait-il pas souhaitable d’avoir un «technicien de garde»? Une personne en mesure de redémarrer (même à distance) les serveurs en panne? Ne pourrait-on pas prévoir le coup afin que les 55 000 étudiants et les quelque 10 000 employés que l’on annonce si fièrement sur la page d’accueil du site de l’Université de Montréal ne se retrouvent pas sans accès à leur courriel? Je ne blâme personne, mais si je veux convaincre de nouveau mes étudiants d’utiliser le service de courriel de notre université – car le travail est à refaire, une fois de plus –, il me semble que certaines précautions importantes devraient être prises.

En 2005, Internet fêtera ses 35 ans. En l’espace de quelques années seulement, cet outil d’abord réservé à l’armée puis aux universités est devenu pour plusieurs un élément indispensable du quotidien: le nombre d’internautes sur la planète est passé de 16 millions en 1995 à plus de 650 millions en 2004. Cette présence exponentielle des technologies annonce également une révolution depuis longtemps anticipée en éducation. La société mondiale du savoir, promise dans les années 70, vantée dans les années 80 et envisagée dans les années 90 avec un respect mêlé de crainte et d’incrédulité, est devenue, au 21e siècle, une réalité incontournable, et ce, tant pour les étudiants que pour les formateurs des universités. En effet, les résultats d’une récente enquête effectuée auprès de 709 formateurs (professeurs, chargés de cours) de l’Université de Montréal montrent que plus de 70 % d’entre eux utilisent les TIC dans leur enseignement. La grande majorité des professeurs se servent donc des technologies en classe, mais aussi pour communiquer avec leurs étudiants. Il semble qu’Internet soit devenu un moyen de communication privilégié pour tous. Cela donne l’occasion de repenser et de délocaliser, dans le temps et dans l’espace, les échanges entre les formateurs et les apprenants et favorise ainsi de nouvelles avenues pour des activités d’apprentissage ou de formation.

Alors qu’on incite les professeurs d’université à utiliser les TIC dans leur enseignement, de tels incidents ne peuvent certes pas participer au virage technologique souhaité en pédagogie universitaire.

Thierry Karsenti
Titulaire de la Chaire de recherche du Canada sur les TIC en éducation

Réplique
La DGTIC ne peut se permettre de maintenir un technicien en poste les fins de semaine

La DGTIC est désolée des inconvénients causés aux usagers par l’interruption du service de courriel durant le weekend du 30 avril. Voici les faits. Les étudiants n’ont pas été touchés par la panne, car leur service de courriel est distinct de celui des employés; ce dernier est tombé en panne en raison d’un bris d’équipement du réseau de fibre optique au centre serveur de l’Université, qui assure la connexion avec les serveurs.

La panne a été signalée dimanche matin au directeur de l’exploitation de la DGTIC, qui a fait un premier diagnostic à distance. Ne pouvant lui-même intervenir pour régler le problème, il a fait appel à des professionnels de la DGTIC, qui se sont rendus au centre serveur pendant quelques heures pour tenter de le résoudre, mais sans succès. Ceux-ci ont essayé de joindre un spécialiste de l’équipement tombé en panne, malheureusement cette personne n’était pas disponible. Il a donc fallu attendre le lundi matin avant de pouvoir rétablir le service. Le fournisseur de l’appareil défectueux tente de comprendre ce qui s’est passé afin de pouvoir faire un rapport à la DGTIC et d’intervenir en conséquence. En attendant, la DGTIC a pris les mesures qui s’imposaient pour isoler le service de courriel des employés de l’environnement où il se trouvait au moment de la panne et éviter ainsi que cela se reproduise. Voilà pour la panne.

La DGTIC n’a pas les ressources pour maintenir sur place un technicien durant les congés et les fins de semaine. De toute façon, la présence d’un technicien de garde n’aurait pas permis de réparer la panne durant le weekend. Actuellement, ce sont les administrateurs de systèmes et de réseaux qui, à distance, effectuent la surveillance sur une base informelle et sans rémunération, faute de ressources. Ils se déplacent lorsque c’est nécessaire et seulement s’ils sont disponibles. La seule exception concerne les longs congés, où une garde rémunérée est mise en place. La direction de la DGTIC a demandé au directeur du Bureau des infrastructures de lui préparer une proposition permettant d’améliorer la surveillance en dehors des heures normales de travail. Elle jugera, dans le contexte budgétaire actuel où la direction de l’Université souhaite réduire le personnel non enseignant en raison d’un sous-financement chronique des universités québécoises, si le plan est réalisable.

Tout en souscrivant aux propos du professeur Karsenti sur l’importance des technologies de l’information à l’université aujourd’hui, malheureusement, il y a parfois loin de la coupe aux lèvres, et la réalité a vite fait de nous rattraper. En nous comparant au Mali, il exagère sans doute, car il doit savoir que tous les établissements, là comme ici, sont sujets à des pannes informatiques. Malgré tous les progrès technologiques, on ne peut affirmer que les réseaux et équipements informatiques de toutes sortes ont un niveau de fiabilité qui se compare au téléphone traditionnel.

Pierre Bordeleau
Vice-recteur adjoint,
responsable de la DGTIC



 
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