Édition du 30 mai 2005 / volume 39, numéro 31
 
  Neuf étudiants plongent dans la forêt québécoise
La Station de biologie des Laurentides a 40 ans

Le groupe de stagiaires accompagnés de leurs moniteurs. À la première rangée Valérie Forcier, Marie-Hélène Gauthier, Maryse Forest-Tremblay et Pierre Molina; à la deuxième rangée Mélissa Graene, Joannie Dionne, Véronique Lamoureux, Marc Chikhani, Brigitte Maillet et Philippe Girard; à l’arrière Sébastien Rioux-Paquette, Geneviève Fontaine-Séguin et Sarah Noël.

Un cri s’élève dans la nuit: «Capture!»

Chez les trois membres des «marmottes matinales», Joannie Dionne, Brigitte Maillet et Mélissa Graene, l’émotion est palpable. C’est le 68e piège que l’équipe a relevé depuis sa sortie du lit, à trois heures du matin, et le premier à faire mouche. Il faut dire qu’un raton laveur – toujours en liberté – a désamorcé en s’empiffrant la plupart des pièges disposés le long du sentier.

Un pic chevelu a été capturé dans le filet des biologistes. En quelques secondes, l’oiseau a été marqué (une plume de la queue coupée à 50 mm; elle aura repoussé dans deux semaines) puis relâché.

Le directeur du stage, Philippe Girard, étudiant au doctorat en écologie moléculaire, prend les choses en main. Il confirme l’identité de l’espèce capturée, une souris sylvestre, et rappelle quelques consignes. «Cette espèce est porteuse d’un Hantavirus possiblement transmissible aux humains. Il est donc essentiel de revêtir des gants de latex pour manipuler l’animal.»

Avec habileté, il immobilise le rongeur de façon à permettre le marquage. Si l’on recapture l’animal dans un autre piège au cours des prochains jours, on en connaitra davantage sur ses déplacements à l’intérieur du territoire.

Nous sommes à la Station de biologie des Laurentides, un laboratoire à ciel ouvert de l’Université de Montréal situé dans la municipalité de Saint-Hippolyte. Construite sur le socle granitique du Bouclier canadien, la Station de biologie permet depuis 40 ans une grande variété de recherches dans les domaines de la limnologie, de l’écologie terrestre et sous-marine, de la géologie et de la botanique, principalement. Mais cette station sert également à l’enseignement dès le mois de mai et jusqu’à la fin novembre. «Il s’agit d’un endroit très précieux pour nous, dit François-Joseph Lapointe, professeur au Département de sciences biologiques et responsable du stage qui réunit ici neuf étudiants pour 10 jours. Les étudiants ont l’occasion de faire de l’écologie de terrain dans des conditions optimales. Ils sont nourris, logés et étroitement encadrés.»

Stage exigeant

La souris sylvestre est commune mais rusée: on n’en avait pas attrapé depuis trois ans dans le stage d’écologie des animaux terrestres.

Bien sûr, les étudiants inscrits à ce cours de trois crédits n’auront pas à dormir sous la tente ni à subir les intempéries en concoctant des repas sur un feu de bois. Disposant de lits confortables dans la Station, ils n’ont qu’à se présenter dans la grande salle à manger quand leur estomac gargouille. Deux cuisinières leur préparent des repas chauds, trois fois par jour. Et il y a du café et des fruits en permanence.

Mais le stage est reconnu pour être l’un des plus exigeants de tout le baccalauréat. En plus d’être plongés dans la nature québécoise de façon intensive, incluant le relevé des pièges toutes les six heures, ils doivent présenter, le surlendemain de leur arrivée, un projet de recherche expérimentale qu’ils poursuivront jusqu’à la toute fin.

«C’est la première fois que nous manipulons des animaux sauvages. C’est très excitant», confie à Forum Brigitte Maillet au moment d’inspecter les pièges à oiseaux. Dès 4 h 30, les filets aux mailles presque invisibles sont tendus pour capturer le plus grand nombre d’individus possible. À partir de ce moment, chacun des 24 filets sera visité sans arrêt jusqu’à midi de façon à éviter que des oiseaux demeurent captifs pendant plus d’une heure. Chaque oiseau est relâché après avoir fait l’objet d’un examen sommaire et d’un marquage temporaire.

Dans l’avant-midi du 19 mai, les biologistes ont fait une bonne chasse: mésange à tête noire, grive solitaire, paruline couronnée, paruline bleue, paruline à gorge noire, pic chevelu et tarin des prés. Une capture spectaculaire se produit à la fin d’une tournée alors que 24 passereaux se retrouvent emmaillés dans le dernier filet. Même le journaliste de Forum a dû s’y mettre et démailler les infortunés volatiles.

Les étudiants profitent d’une équipe d’encadrement solide et compétente. Pour seconder Philippe Girard, l’ornithologue Pierre Molina (qui exerce le métier de fauconnier), Sarah Noël, doctorante en sciences biologiques et spécialiste de l’entomologie, et Sébastien Rioux-Paquette, lui aussi étudiant au doctorat au laboratoire de François-Joseph Lapointe.

40 ans

Éric Valiquette a bien l’intention de relancer la Station de biologie des Laurentides.

Le nouveau directeur de la Station, Éric Valiquette, veut donner un nouvel élan aux installations qu’il estime «sous-utilisées». «L’affluence est bonne durant tout l’automne, de septembre à novembre, mais demeure bien en deçà du potentiel de la Station pendant les autres saisons», explique ce biologiste formé à l’UQAM qui a dirigé la Corporation d’aménagement et de protection de la rivière Sainte-Anne.

En plus des cours qu’on peut y donner et des recherches qui peuvent être menées en sciences de la terre et en environnement, la Station de biologie des Laurentides s’avère une excellente solution aux hôtels et centres de congrès couteux où les universitaires se retrouvent le temps d’un «lac à l’épaule». M. Valiquette verrait très bien le personnel du Département de sociologie, par exemple, s’y réunir pour quelques jours. Le site est propice aux échanges et à la réflexion, à moins d’une heure de Montréal. Pour un prix raisonnable, on peut y loger jusqu’à 45 personnes.

L’Université de Montréal doit l’ouverture de la Station à la persévérance des biologistes Adrien Robert, qui a laissé son nom à une importante collection entomologique, et Édouard Pagé. Ensemble, ils ont obtenu la concession d’une terre de «quatre milles carrés» par le ministère des Terres et Forêts en 1962. On compte sur sa superficie 10 grandes terres humides (tourbières et zones inondables), 15 lacs et plus de 50 km de ruisseaux. On y a construit sept pavillons, dont trois laboratoires.

Le Département de sciences biologiques marquera le 40e anniversaire de la Station de biologie des Laurentides au cours d’une célébration en juin.

Mathieu-Robert Sauvé



 
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