Édition du 30 mai 2005 / volume 39, numéro 31
 
  La science au service de l’art
Abordable, aisément transportable et éliminant toute distorsion optique, le système de projection conçu par l’informaticien Sébastien Roy ouvre aux artistes un monde de possibilités

Sébastien Roy devant une image de Montréal, la nuit, projetée sur l’écran de 360 degrés de la Société des arts technologiques.

Imaginez-vous un instant au milieu d’une salle ceinturée d’un écran aux formes arrondies sur lequel seraient projetées des images totalement exemptes de distorsion. Impossible croyez-vous? Pas pour l’informaticien Sébastien Roy. Ce dernier a mis au point un système capable de projeter des images en mouvement sur n’importe quel type de surface en réduisant à néant la distorsion, un phénomène bien connu de tous ceux qui se sont déjà servis d’un mur comme écran de fortune.

Il y a deux ans, lorsque le professeur Roy a commencé à plancher sur son projet en collaboration avec la Société des arts technologiques (SAT), ce n’est pas tant le sort des projectionnistes qui lui tenait à cœur que celui des artistes, trop souvent «sans le sou». 

C’est donc en pensant à eux qu’il a eu l’idée de concevoir un système de projection facile à transporter et, surtout, abordable. Selon M. Roy, le manque d’argent empêche de nombreux artistes, notamment  les cinéastes, de réaliser des projets à la hauteur de leurs aspirations. «Combien coute une caméra Imax? demande-t-il, dubitatif.  Un million de dollars?»

Bien que le système de projection qu’il a mis au point soit novateur à plusieurs égards, la technologie sur laquelle il repose n’est toutefois pas inédite. Le système utilise en effet les mêmes «projections immersives» que celles auxquelles ont recours les planétariums, où cette technologie nécessite cependant des appareils très sophistiqués. «Un planétarium met au moins une semaine pour monter un spectacle.» À titre comparatif, le système de M. Roy requiert seulement neuf projecteurs ordinaires, un logiciel (offert gratuitement), un système informatique facile à assembler et aucun écran spécial n’est nécessaire.

Baptisé LightTwist, le système de projection du professeur Roy offre aux créateurs d’infinies possibilités. Par exemple, il permet de projeter des images en mouvement sur n’importe quel objet et ainsi de créer des décors à volonté. Fini le temps où les projections étaient confinées à l’arrière-scène! Le professeur Roy est en outre convaincu que son invention trouvera de multiples applications auprès des artistes.

Bien que le prototype définitif ne soit pas encore terminé, un groupe d’artistes montréalais tire déjà avantage du LightTwist. Le SAT a en effet sélectionné neuf projets qui prévoient l’utilisation de ce système, le premier étant censé voir le jour d’ici l’automne.

Une fervente admiration pour le travail des artistes

Les glaciers étaient également au menu de cette projection unique.

C’est en voyant son frère Guillaume, aujourd’hui décédé, travailler sans relâche pour percer comme sculpteur et céramiste que le professeur Roy s’est intéressé à la condition des artistes. Ayant observé chez son frère et d’autres créateurs un dévouement total envers leur art, il trouve le salaire de certains artistes dérisoire au regard des efforts soutenus que ceux-ci déploient pour produire leurs œuvres. Cette disproportion l’a incité à vouloir établir un certain équilibre, d’où l’idée d’offrir un outil de création utile et facile à maitriser. «Ce système leur permettra de poursuivre leur démarche artistique et d’avoir accès à une technologie dont ils ne seront pas captifs», souligne-t-il. 

Le professeur Roy, membre du laboratoire Vision 3D du Département d’informatique et de recherche opérationnelle, de même que les étudiants Jean-Philippe Tardif et Gaspard Petit ont récemment fait la démonstration du système à l’occasion d’une présentation organisée par le SAT à l’intention de Line Beauchamp, ministre québécoise de la Culture et des Communications. Interrogée sur ce qu’elle pensait du LightTwist, Mme Beauchamp a indiqué que, bien qu’impressionnée, elle ne formulerait de commentaires qu’après en avoir mieux compris le fonctionnement.

Le système, indique le professeur Roy, calcule d’abord la surface réceptrice en projetant sur celle-ci une série de lignes noires et blanches. Une caméra enregistre la forme que prennent ces lignes lorsqu’elles entre en collision avec l’objet écran, ce qui permet de cartographier la surface réceptrice. Ces données sont ensuite traitées par un logiciel, qui déforme les images à projeter avant de les transformer en négatifs de la surface hôte. Les images déformées par le système peuvent ensuite atterrir sur l’objet écran grâce à une série de projecteurs.

Au cours de la visite virtuelle de la ville à laquelle ont eu droit la ministre et les autres participants à la démonstration, plusieurs semblaient désorientés et avaient l’ impression de se trouver à l’intérieur des images qu’on leur présentait. Le canal de Lachine ainsi que d’autres lieux cultes de la métropole comme l’esplanade de la Place-des-Arts et le boulevard Saint-Laurent figuraient au programme de cette visite nouveau genre, effectuée au milieu d’un écran de 360 degrés.

Le professeur de design industriel Luc Courchesne, qui a lui aussi étudié la projection optique et collaboré avec le SAT, assistait à la démonstration. À l’instar de M. Roy, il a beaucoup apprécié son expérience auprès des artistes, qui non seulement mettent à l’essai certains procédés, mais contribuent à orienter la recherche. «Nous faisons de la recherche appliquée et les artistes sont nos collaborateurs», résume-t-il.   

Le vice-recteur adjoint à la recherche de l’UdeM, Réal Lallier, note qu’un projet comme le LightTwist est un «bel exemple» du dialogue qu’il aimerait voir s’installer entre les disciplines. Il signale que les exigences des organismes subventionnaires en matière d’interdisciplinarité ne cessent de croitre et se dit heureux de constater que la collaboration entre un universitaire et un organisme tel le SAT peut être aussi fructueuse. Lui-même a déjà joué les entremetteurs, étant à l’origine de la coopération entre le professeur Roy et Paulo Bellini, directeur de l’Orchestre symphonique de l’UdeM, pour mieux comprendre la réaction d’un orchestre aux signaux de son chef.

Avec la notoriété naissante du LightTwist, M. Lallier souligne avec plaisir que le public, qui à son avis ne demande qu’à découvrir les professeurs et leurs travaux, aura plus d’une fois l’occasion de le faire dans ce cas-ci, étant donné le grand nombre de projets nés de cette remarquable invention.

Philip Fine
Traduit de l’anglais
par Simon Hébert



 
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