Édition du 30 mai 2005 / volume 39, numéro 31
 
  Pour bien manger, éteignez la télé!
Le quart des garçons et 18 % des filles mangent tous les jours devant la télévision

Celui qui mange devant la télé court le risque d’acquérir de mauvaises habitudes alimentaires.

Au Québec, un garçon sur quatre et 18 % des filles âgés de 10 ans mangent au moins un repas par jour devant le téléviseur. Ce n’est pas une bonne nouvelle. «Les jeunes ne mangent pas des crudités ni des légumes devant la télé. Ils préfèrent des croustilles et du chocolat, le tout arrosé de boissons gazeuses», commente Marie Marquis, professeure au Département de nutrition, qui vient de terminer une étude auprès de 534 élèves francophones de Montréal.

Parallèlement au phénomène de la télécommande, on assiste à l’émergence d’une nouvelle tendance en Amérique du Nord: chacun mange devant «sa» télévision. «À Noël ou à leur anniversaire, les enfants sont de plus en plus nombreux à demander un appareil pour leur chambre à coucher, souligne la spécialiste des comportements alimentaires. Plusieurs ménages comptent trois, voire quatre téléviseurs. Or, que fait-on devant une télé? On mange. Et l’on mange mal.»

Selon Statistique Canada, les enfants francophones du Québec regardent des émissions télévisées 14,9 heures en moyenne par semaine. Ce qui se traduit par de mauvaises habitudes alimentaires différenciées selon le sexe. Devant le petit écran, les garçons ont une préférence pour des aliments plus salés (croustilles), plus sucrés (bonbons, gâteaux, céréales sucrées, boissons gazeuses, boissons aux fruits), plus gras (frites, poutine) et moins riches en fibres (crudités et pain de blé entier) que les filles. Celles-ci, par contre, ont un penchant pour les sources de caféine (café et thé).

Pauvres garçons!

Marie Marquis

Même si elle s’attendait aux résultats qu’elle a obtenus dans cette étude menée conjointement avec le nutritionniste Yves Filion et l’assistante de recherche Fannie Dagenais, Mme Marquis a été surprise par l’ampleur du désastre chez les élèves du Québec, particulièrement chez les garçons. «Si l’on fait abstraction du facteur télé, les filles demeurent un peu plus sensibles à une alimentation saine», explique-t-elle. Elles vont préférer les muffins aux pizzas, les céréales santé aux produits sucrés – des Cheerios plutôt que des Froot Loops, par exemple – et vont grignoter des crudités plutôt que des croustilles.

Déjà montrés du doigt pour leurs choix alimentaires déficients, les garçons se révèlent vulnérables aux influences dans cette étude. «Devant le téléviseur, les garçons accordent une plus grande importance à l’aspect attrayant des aliments et ça les incite à demander à leurs parents d’acheter des aliments qu’ils ont vus dans des messages publicitaires», peut-on lire dans l’article publié dans la Revue canadienne de la pratique et de la recherche en diététique (printemps 2005).

En d’autres termes, les garçons veulent manger ce qu’ils voient le plus souvent annoncé à la télévision. Les entreprises le savent et en profitent. Cette influence se prolonge bien au-delà du petit écran. «Même si on laisse de côté le fait de manger devant la télé, signale l’étude, les habitudes alimentaires des garçons se sont avérées moins santé que celles des filles.»

Nouvelles données

Mme Marquis a récemment sonné l’alarme quant aux menaces qui pèsent sur le repas familial (voir «Tous à table», Les diplômés, automne 2004). Avec l’effritement de la famille traditionnelle et le rythme effréné de la vie aujourd’hui, le repas en commun disparait au profit de l’encas individuel... Ce phénomène provoque une dégradation inquiétante des liens sociaux. La télévision est en partie responsable de ces nouvelles mœurs familiales.

Tout en reconnaissant que cette étude a des limites (l’aspect multiethnique de Montréal n’a pas été pris en compte, notamment), les auteurs proposent des recommandations afin d’améliorer le régime alimentaire des téléphages.

Selon eux, il faut accorder une attention particulière aux motivations alimentaires des garçons et, si nécessaire, en faire un objectif particulier dans les campagnes nutritionnelles. Aussi, il faut renseigner les parents et les enfants sur l’influence de l’environnement en matière d’alimentation. Les mauvaises habitudes acquises devant le petit écran sont à leur avis encore trop méconnues. Enfin, il faut concevoir des activités et des programmes de sensibilisation à l’école primaire afin de faire connaitre les effets de la publicité télévisée sur les comportements alimentaires.

La situation peut-être résumée par cette formule de Marie Marquis: «Si vous voulez des enfants en santé, éteignez la télévision!»

Mathieu-Robert Sauvé



 
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