Édition du 30 mai 2005 / volume 39, numéro 31
 
  année internationale de la physique
PICASSO à la recherche de la matière sombre de l’Univers

Elle est partout; elle remplit les grands espaces entre les galaxies et elle se concentre autour d’elles en de gigantesques nuages; elle est invisible et pourtant elle ne peut se cacher en raison du formidable rôle que son interaction gravitationnelle joue: la matière sombre! Notre propre galaxie, la Voie lactée, est constituée de près de 90 % de matière inconnue et non lumineuse sans laquelle elle ne pourrait pas tenir. Certains amas de galaxies, d’après des estimations récentes, contiennent jusqu’à 99 % de matière cachée et, tout dernièrement, on a trouvé les premiers indices de l’existence d’une galaxie qui serait entièrement faite de matière invisible!

Les astronomes et les physiciens savent aujourd’hui que 85 % de toute la masse gravitationnelle de l’Univers est invisible et qu’elle est composée d’une matière «exotique», bien différente de la matière «ordinaire» qui nous entoure avec ses protons, ses neutrons et ses électrons. Copernic a bouleversé la perception de l’Univers de ses contemporains en chassant l’homme du centre de notre système planétaire; nous devrons maintenant nous faire à l’idée, inouïe, que tout ce qui nous est familier, incluant notre propre corps, n’est pas fait de la même étoffe que l’essentiel de l’Univers! La nature précise de cette matière exotique est l’une des grandes énigmes de notre science, le Graal de la cosmologie contemporaine.

Un amas de galaxies photographié par le télescope Hubble. En bleu, la matière sombre telle qu’on peut en déduire la présence à partir des distorsions optiques dues à la gravitation.

L’attention des physiciens se porte actuellement sur le neutralino comme candidat à l’explication de la matière sombre, une particule non encore observée en laboratoire. Postulé par les théoriciens dans le cadre de modèles dits supersymétriques qui ont pour but d’unifier les interactions fondamentales régnant entre les particules élémentaires, le neutralino est présumé être stable, électriquement neutre et au moins 60 fois plus lourd que le proton. On croit qu’il ne devrait interagir que très rarement avec ses semblables et avec les autres types de particules. Produits en abondance pendant les premiers instants du bigbang, les neutralinos auraient été concentrés par la force gravitationnelle en grands halos, donnant ainsi lieu à l’agglomération de la matière «ordinaire» et à la formation de galaxies. Ils seraient aussi présents dans le voisinage de notre voie lactée; le temps de lire ces quelques lignes, on estime qu’environ 100 millions de neutralinos auront traversé votre corps sans interagir ou presque et surtout en ne créant aucun dommage!

Comment déceler ces particules fantômes? Ce problème occupe présentement plusieurs groupes de scientifiques dans autant de grands laboratoires souterrains en Europe, en Amérique du Nord et au Japon. Les expériences se font sous terre afin d’éliminer les rayonnements parasites, qu’ils soient cosmiques ou terrestres. L’expérience PICASSO (Projet d’identification de candidates supersymétriques de la matière sombre) a été proposée par les chercheurs du Département de physique il y a quelques années et elle fait maintenant l’objet de collaborations avec des collègues des universités Queen’s (Ontario) et Indiana South Bend (États-Unis) et de la compagnie BTI-Technologies (Ontario) et, plus récemment, avec des chercheurs de Paris VI, Yale, Lisbonne et Prague.

Le détecteur soumis par les chercheurs de l’Université de Montréal est d’un type tout à fait nouveau et présente de nombreux avantages par rapport aux autres méthodes de détection. Il est constitué d’une émulsion dans laquelle sont maintenues en suspension des gouttelettes d’un liquide surchauffé, c’est-à-dire à une température bien au-dessus du point d’ébullition. Dans cet état, le liquide est extrêmement sensible à la moindre agitation. Lorsqu’un neutralino heurte une gouttelette, celle-ci éclate instantanément, formant une petite bulle de gaz. L’onde sonore résultant de cette miniexplosion est détectée par des capteurs ultrasensibles qui sont reliés à un ordinateur et qui permettent ainsi de créer une image de l’événement. Une expérience pilote, menée dans une mine de nickel exploitée par l’INCO, est en cours depuis deux ans à l’Observatoire de neutrinos de Sudbury (Ontario). Même si aucun neutralino n’a encore été capturé, les premiers résultats sont extrêmement encourageants, car ils démontrent tout le potentiel de la nouvelle technique, plaçant les chercheurs du PICASSO dans le peloton de tête des chasseurs de neutralinos. Une nouvelle étape sera franchie cet été avec une installation PICASSO de plus grande envergure, d’une sensibilité aux neutralinos 100 fois plus grande. À suivre!

Viktor Zacek
Professeur titulaire
Département de physique
Collaboration spéciale



 
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