Édition du 13 juin 2005 / volume 39, numéro 32
 
  Enseigner la technopédagogie au Burkina Faso
L’UNESCO et la Faculté des sciences de l’éducation, avec Thierry Karsenti à sa tête, montrent aux enseignants africains comment utiliser l’ordinateur avec leurs élèves. L’opération est un succès

Un des étudiants de Thierry Karsenti

Avant chaque départ pour le continent africain, où il a mis sur pied un microprogramme fort apprécié, Thierry Karsenti remplit six valises. Une avec ses vêtements et cinq avec du matériel divers, c’est-à-dire 150 livres, 5 caméras vidéo, des trépieds, des cassettes, des chargeurs, des appareils photo, des piles, des cartes de mémoire, des adaptateurs, des logiciels de formation, des fils Internet, des ordinateurs, une imprimante, de l’encre, du papier pour l’imprimante, du sirop d’érable, alouette! 

Le recours aux nouvelles technologies dans l’enseignement constitue en effet un formidable défi en Afrique. En même temps, cette voie représente un tel espoir pour le continent que Thierry Karsenti est prêt à surmonter beaucoup d’obstacles pour donner son cours. Et lorsqu’il voit la motivation de ses étudiants – qui sont des enseignants pour la plupart –, il sait qu’il est à sa place.

«Je ne suis pas philanthrope, mais un peu de philanthropie ne fait pas de mal», résume-t-il.

Le professeur de la Faculté des sciences de l’éducation lancera cet automne son quatrième microprogamme en intégration pédagogique des technologies de l’information et de la communication (TIC). Le programme est destiné à des enseignants et, ce qui est rare dans ce genre d’expérience à l’étranger, il s’agit d’une formation des cycles supérieurs qui conduit à un diplôme. Ainsi, après Yaoundé, au Cameroun, Ouagadougou, au Burkina Faso, et Bamako, au Mali, une nouvelle formation débutera à Cotonou, au Bénin. Les projets sont financés soit par l’UNESCO, soit par l’Agence universitaire de la Francophonie.

L’approche sandwich

Le programme connait un véritable succès. Pourquoi? «Contrairement à une formation exclusivement à distance, nous privilégions l’approche sandwich: nous donnons deux stages d’une dizaine de jours, au début et à la fin du programme. Entre les deux, la formation se poursuit à distance, mais les étudiants ont déjà tissé un lien avec l’enseignant et c’est très important», explique M. Karsenti, qui est non seulement responsable du projet mais également son concepteur de A à Z, puisqu’il l’a adapté au fil du temps pour le rendre plus conforme aux réalités culturelles africaines.

Thierry Karsenti

Le programme s’adresse donc à des gens titulaires d’un baccalauréat. «Il équivaut à une demi-maitrise.» Au terme de leur formation, les étudiants élaborent un cours sur le Web. Ils peuvent du même coup s’intéresser à des thèmes qui leur sont propres. Par exemple, un étudiant a préparé un cours sur un ver qu’on trouve au Sénégal et sur lequel il n’existait à peu près pas d’information. «Nous aidons à créer un contenu africain dans Internet», se félicite M. Karsenti.

Certains étudiants parcourent 40 km à vélo pour se rendre travailler dans le café Internet le plus près. N’est-ce pas insolite, voire saugrenu, de répandre la bonne nouvelle technologique dans des pays où une majorité de la population n’a pas l’électricité et où tant de besoins majeurs ne sont pas comblés? Pas nécessairement.

Thierry Karsenti dit avoir pleinement compris l’utilité d’Internet le jour où une jeune fille du Ghana lui a confié que les habitants de son village étaient demeurés trois semaines dans l’ignorance des évènements du 11 septembre 2001. «C’était très touchant d’entendre ce témoignage.» Internet s’implante inégalement mais très rapidement. Par exemple, au Sénégal, 75 % des étudiants du secondaire ont une adresse électronique. 

Le professeur Karsenti se réjouit naturellement du rayonnement de l’UdeM à l’étranger. Il croit par ailleurs que la formation sur place est une bonne manière de contrer l’exode des cerveaux africains. «Il est certain qu’en suivant leur formation sur place les Africains seront moins tentés de s’exiler. Et Dieu sait si l’Afrique a besoin de ses cerveaux.»

M. Karsenti ne voyage pas seul. Le chargé de cours et le technicien qui l’accompagnent sont indispensables. Le voyage en fin de parcours est moins stressant que le premier. Et les valises sont moins lourdes: des toges et des diplômes pèsent moins que des dizaines de livres.

Paule des Rivières



 
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