Édition du 13 juin 2005 / volume 39, numéro 32
 
  La radio satellite brouille les ondes
Selon Pierre Trudel, le CRTC doit préserver la souveraineté canadienne

La popularité des «soucoupes» oblige à poser différemment la question de la souveraineté canadienne des ondes.

L’automne dernier, deux entreprises canadiennes de radiodiffusion, XM Satellite Radio et Sirius Satellite Radio, demandaient au Conseil de la radiodiffusion et des télécommunications canadiennes (CRTC) l’autorisation d’offrir aux Canadiens des services de radio par satellite comme il en existe pour la télévision. Ce projet, anodin en apparence, se heurte toutefois à des problèmes financiers, technologiques et juridiques de taille qui mettent en cause la souveraineté canadienne dans la radiodiffusion.

Les deux entreprises sont en réalité des succursales de sociétés américaines. Elles utiliseraient des satellites américains et n’offriraient au Canada que 4 canaux chacune sur 101 pour la première et 78 pour la seconde. Comme le contenu de la radio payante aux États-Unis n’est pas soumis aux règlements de la Commission fédérale des communications, plusieurs problèmes se posent.

Comme pour la télévision, la règlementation du CRTC stipule que les infrastructures de radiodiffusion doivent être de propriété canadienne et que les stations, ou les forfaits offerts, doivent présenter un minimum de 35 % de contenu canadien. Le CRTC devrait-il modifier sa règlementation pour permettre la radio par satellite? «Il aurait tort, répond Pierre Trudel, professeur à la Faculté de droit. Le contrôle canadien sur la radiodiffusion est un principe important qui a toujours été là et qui doit demeurer. Sans ce principe, nous serions des locataires dépendants des diffuseurs privés américains, qui pourraient décider n’importe quand de retirer nos chaines. Et le Canada serait incapable d’appliquer ses propres lois à l’égard du contenu des émissions diffusées sur son territoire.»

Pierre Trudel

Selon le titulaire de la Chaire L. R. Wilson sur le droit des technologies de l’information et du commerce électronique, le principe de la prédominance canadienne a très bien servi le pays jusqu’à maintenant et demeure adapté à la situation. «Ceci a stimulé la production canadienne et nous a amenés à produire davantage d’émissions nationales qu’ailleurs dans le monde, cela sans limiter l’accès aux chaines étrangères. Toute proportion gardée, même le Québec produit plus que la France.»

S’il fallait passer par les satellites américains, il faudrait prendre les moyens juridiques nécessaires pour assurer le maintien de cette production, ce que les projets mis sur la table n’assurent pas. Aux yeux du spécialiste du droit des médias, il s’agit là d’un cas classique de plans d’affaires élaborés sans aucun souci de la loi. «Si les responsables de ces projets, au rang desquels on trouve Radio-Canada, avaient tenu compte de la loi, ils n’auraient pas proposé un tel modèle», affirme-t-il.

Si le Canada voulait aujourd’hui se doter d’un satellite destiné à ce type de diffusion, il lui en couterait entre 800 M$ et 1 G$ et sans vraiment être sûr de disposer d’un plus grand nombre de canaux. «Tout serait une affaire de négociations avec les États-Unis», estime le professeur. Mais il faut éviter selon lui de se borner à la seule question technologique. «Ce n’est pas parce qu’une chose est techniquement possible qu’il faut l’autoriser. Il peut y avoir d’autres façons de voir.»

Une solution réside dans l’augmentation des chaines audionumériques diffusées par voie terrestre. Un projet de ce type, cent pour cent canadien, a été présenté au CRTC par Astral Radio, propriétaire des réseaux.

Préserver le contenu canadien par une gestion rationnelle des infrastructures n’est pas un signe de xénophobie ni d’antiaméricanisme, tient-il à préciser. «La mondialisation a du sens dans la mesure où toutes les cultures peuvent apporter leur contribution et éviter la simple américanisation.»

L’enjeu que posent ces nouvelles technologies de diffusion, incluant la diffusion par Internet, est de taille puisque, selon Pierre Trudel, elles pourraient menacer la survie de la bande FM.

Daniel Baril



 
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