Édition du 13 juin 2005 / volume 39, numéro 32
 
  courrier du lecteur
L’anglicisation par le haut

Le nouveau recteur de l’Université de Montréal, dans sa première décision publique, a introduit dans la nomenclature des titres du rectorat le vocable provost. Cette décision est hautement symbolique du processus d’acculturation qui affecte la direction de l’Université, qui est de moins en moins respectueuse de la collectivité linguistique qui la soutient.

Comment pourrons-nous nous identifier à un établissement qui calque ses appellations sur le modèle anglo-saxon? Comment pourrons-nous être fiers de notre université si ses dirigeants se laissent subjuguer par la culture universitaire de l’Université McGill? Ce faisant, le nouveau recteur reconnait implicitement que la langue française n’a pas les ressources lexicales pour définir des fonctions administratives. En abdiquant sa responsabilité de promotion de la langue française dans le plus grand établissement universitaire de langue française en Amérique du Nord, le recteur envoie le message que la langue française n’a pas la richesse lexicale nécessaire au travail de l’esprit et qu’il faut passer par la langue anglaise pour exprimer ce que nous sommes. Il propose en quelque sorte une recolonisation des esprits.

Pourquoi dès lors faire l’effort d’inventer des concepts scientifiques en français? Passons directement à l’anglais. Pourquoi perdre son temps à maintenir une spécificité culturelle dans le monde universitaire? Par ce geste, les dirigeants de l’Université de Montréal nous signifient qu’ils sont au-dessus de la société québécoise, qu’ils ne sont pas solidaires de ses combats et qu’ils sont insensibles aux traditions de l’établissement et de la communauté universitaire.

Denis Monière
Université de Montréal

Réplique

Un mot nouveau pour un nouveau modèle

L’adoption du titre de provost ne doit pas être interprétée comme un indice que l’Université de Montréal ne reconnait pas «sa responsabilité de promotion de la langue française» et il ne faut pas voir dans cet emprunt à la langue anglaise «le message que la langue française n’a pas la richesse lexicale nécessaire au travail de l’esprit».

Les emprunts linguistiques ont une longue histoire et ils sont justifiés chaque fois que les réalités décrites ne trouvent pas leur équivalent dans la langue d’adoption. Qu’il suffise de mentionner les vocables whip et leader, utilisés pour décrire des réalités précises des institutions politiques québécoises. Toujours dans le champ de la science politique, qui donc contesterait l’usage des titres d’émir, de cheik et de négus? Plus près de nous, rappelons que les universités et les organismes publics n’ont pas hésité, il y a plus de 40 ans, à emprunter au suédois le terme ombudsman pour décrire une fonction nouvelle pour laquelle ni la langue anglaise ni la langue française n’offraient d’équivalent. 

Or, précisément, dans le cas qui nous occupe, le terme provost désigne une fonction répandue dans les universités nord-américaines, fonction qui n’a pas son équivalent dans les universités de la francophonie, lesquelles sont structurées de façon différente. D’ailleurs, le mot provost n’est pas étranger à notre langue puisqu’il existait au Moyen Âge à titre de variante de prévôt. À l’instar de plusieurs mots, comme le mot budget, il est disparu pour revenir avec un sens renouvelé.

La complexification que connait la vie universitaire en ce début de 21e siècle appelle de nouvelles solutions de gestion et celles-ci doivent être recherchées où qu’elles se trouvent, avec l’esprit d’ouverture qui constitue l’essence du monde universitaire. Et c’est précisément parce que l’Université de Montréal occupe la position de «plus grand établissement universitaire de langue française en Amérique du Nord» qu’elle peut créer un néologisme sans craindre d’être soupçonnée d’abdiquer sa responsabilité à l’égard de la promotion de la langue française.

Michel Lespérance
Secrétaire général



 
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