Neuropsychologie
Vous n'aimez pas la musique? C'est génétique!

Ce sont des anomalies congénitales au cerveau qui causent l'amusie ou absence de sens musical. C'est ce que la neuropsychologue Isabelle Peretz, de l'Université de Montréal, démontre dans deux articles parus en janvier 2002 dans des revues majeures : Neuron et Brain. Dans le premier, elle présente le cas de Monica, une femme dans la quarantaine pour qui la musique n'est qu'un «bruit causant du stress». Dans le second, la chercheuse livre les résultats d'une étude sur 11 sujets qui ne pensent pas autrement.

Selon la chercheuse, l'amusie ne résulte pas de l'éducation ou de l'environnement, mais d'une malformation à la naissance. «La musique est propre aux humains, explique Isabelle Peretz. Mais pour certains individus, le rythme, la mélodie, les accords n'ont pas de sens. Ce qui est fascinant dans le cas des gens que nous avons rencontrés, c'est que le langage n'est pas touché. Cela veut dire qu'il y a dans le cerveau une région qui est spécifiquement consacrée à la perception musicale.» En effet, les personnes atteintes d'amusie peuvent avoir une vie parfaitement normale. Monica, par exemple, est titulaire d'une maîtrise, a un quotient intellectuel de 111 et possède une excellente mémoire. Son déficit n'est pas dû à une dégénérescence de l'ouïe, à un manque d'exposition à la musique ou à des faiblesses cognitives. Pour elle, l'Hymne à la joie, les premières notes de La Marseillaise ou le refrain de Frère Jacques sont du pareil au même. En revanche, elle est parfaitement capable de reconnaître la voix humaine, et distingue sans peine un jappement de chien d'un klaxon de voiture.

L'anomalie de Monica, comme celle de milliers d'autres personnes, serait probablement située dans le cortex auditif, mais la recherche de Mme Peretz n'est pas allée jusque-là. Celle-ci met fin, toutefois, à l'énigme des origines de l'amusie. La première description de la pathologie remonte à 1878, alors qu'un homme de 30 ans avait été décrit comme parfaitement incompétent en musique, même s'il parlait couramment trois langues en plus de sa langue maternelle. Malgré l'existence de tels cas, plusieurs pensaient que les causes de l'amusie étaient, malgré tout, non biologiques. Monica s'est avéré le cas le plus spectaculaire d'un groupe de 11 personnes souffrant d'amusie que l'équipe de recherche a recruté par des petites annonces placées dans différents médias. Mme Peretz et ses collaboratrices, Julie Ayotte et Krista Hyde, étudiantes au doctorat, ont examiné une cinquantaine de personnes. Moins d'une douzaine de cas patents ont été retenus. L'article paru dans le numéro du 31 janvier de la revue Brain rapporte que l'évaluation systématique de ces personnes, qui se disaient sévèrement handicapées dans le domaine musical malgré leurs efforts pour apprendre la musique, «confirme la présence d'un système déficient dans la compréhension de la musique». L'incompétence musicale apparaît comme un trouble accidentel dans leur système nerveux qui ne présente par ailleurs aucune dysfonction significative sur les plans cognitif et affectif.

Là où la découverte peut s'avérer spectaculaire, c'est en génétique. «Si l'on isole le gène qui distingue les personnes souffrant d'amusie, on pourra connaître en quelque sorte le gène de la musique. Peut-être que cela n'arrivera pas de mon vivant, mais je crois que nous allons dans cette direction», confie-t-elle.

Chercheur : Isabelle Peretz
Téléphone : (514) 343-5840
Financement : Instituts canadiens de recherche en santé

 


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