À la suite dune catastrophe naturelle, le
taux de criminalité diminue, car la population éprouve
un besoin de cohésion sociale et adopte un comportement
plus altruiste. Cest ce que Frédéric
Lemieux, professeur à lÉcole de criminologie,
a pu constater à lissue dune recherche
de doctorat dont lobjet était lécart
entre la criminalité observée et la criminalité
attendue dans deux régions touchées par la
tempête de verglas de janvier 1998 : Montréal
et la Montérégie. «Lhypothèse
dune baisse de la criminalité associée
aux catastrophes navait jusquici jamais été
analysée de façon systématique»,
souligne-t-il. Cette relation nest pas évidente
en soi puisque les catastrophes, particulièrement
les pannes délectricité, créent
généralement des conditions propices aux délits,
comme on la observé au cours dune panne
généralisée à New York en 1977.
Les résultats de son étude montrent tout de
même des variations considérables selon les
conditions particulières des régions étudiées.
La présence policière, accrue à Montréal
et demeurée stable en Montérégie, est
une de ces variables. «Du 5 au 18 janvier, il
y a eu jusquà 1750 policiers et 3000 soldats
en fonction par jour à Montréal alors quil
ny a normalement que 300 policiers en service,
précise le professeur. Cette présence a eu
un effet direct et immédiat sur les crimes contre
la personne et les crimes contre les biens, qui ont diminué
jusquà 35%.»
Leffet dissuasif a par contre été beaucoup
plus faible en Montérégie en raison de létendue
du territoire et du retard à mettre en place une
infrastructure des opérations policières.
Sil y avait 10 agents au kilomètre carré
à Montréal, où les opérations
sont déjà centralisées, on nen
comptait quun en Montérégie. Dans les
premiers jours de la tempête, alors que les gens navaient
pas idée de lampleur quallait prendre
le désastre, il sest produit une augmentation
substantielle des crimes contre les biens allant jusquà
90% dans certains cas. Loccasion a donc fait le larron.
En Montérégie, la corrélation entre
les fluctuations des pannes et le niveau de criminalité
est très forte. «Les crimes contre les biens
ont augmenté de 19% dans le triangle
noir par rapport au reste de la Montérégie
lorsque Hydro-Québec a annoncé que la crise
dans cette zone durerait au moins un mois», souligne
le chercheur. Par ailleurs, la courbe décroît
au fur et à mesure que les gens sont rebranchés.
Frédéric Lemieux estime tout de même
que la catastrophe a suscité une hausse observable
des comportements altruistes puisque la montée de
la criminalité aurait dû être plus forte
en Montérégie.
Chercheur : Frédéric
Lemieux
Téléphone : (514) 343-5864
Courriel : lemf15@hotmail.com