Pharmacologie
Produits naturels : à utiliser avec prudence

Pour maigrir, dormir ou prévenir certaines maladies, un Canadien sur deux avale des vitamines, des suppléments minéraux et des produits à base d’herbes. L’industrie des produits naturels a le vent dans les voiles. Aux États-Unis, les ventes ont augmenté de 380% entre 1990 et 1997. Au Canada, elles frôlaient les trois milliards de dollars en 1999. Mais ces produits n’entraînent pas que des effets bénéfiques. «Le fait de qualifier ces substances de “naturelles” a une connotation santé; elles sont naturelles donc pas dangereuses, dénote Jacques Le Lorier, chercheur en pharmacoépidémiologie et professeur en pharmacologie à l’Université de Montréal. Mais je peux vous nommer une vingtaine de plantes qui peuvent vous tuer! La ciguë, par exemple.»

Santé Canada rapporte que dans le monde, 24 personnes espérant régler leurs problèmes d’insomnie ou de nervosité ont causé du tort à leur foie en ingérant des produits contenant du kava, qui vient d’être interdit au pays. L’une d’entre elles est décédée et plusieurs autres ont dû subir une transplantation. Récemment, la revue Neurology montrait du doigt une plante médicinale responsable des graves troubles neurologiques dont s’était mise à souffrir une Italienne qui suivait un régime amaigrissant. Les effets de certaines plantes peuvent s’additionner à ceux des médicaments d’ordonnance ou, au contraire, les contrecarrer. Ainsi, des personnes diabétiques ont vu leur taux de sucre augmenter après avoir pris de la glucosamine. Des femmes qui prenaient la pilule anticonceptionnelle et du millepertuis ont subi des hémorragies utérines. Pis encore, des patients ont souffert d’un rejet aigu d’organe lorsque le millepertuis a interféré avec la cyclosporine, un médicament anti-rejet. Il ne faut pas oublier que plusieurs médicaments traditionnels (morphine, éphédra, aspirine) proviennent de plantes. «Tout produit ayant une efficacité a également une toxicité. J’inclus l’aspirine», affirme M. Le Lorier.

Beaucoup de produits naturels sont considérés comme des aliments et échappent ainsi aux exigeantes réglementations sur les médicaments. «Un des arguments des fabricants de produits naturels est que, compte tenu de la grande distribution de ces produits, les accidents sont excessivement rares» concède Jacques Le Lorier. Est-ce vraiment le cas? Ou bien est-ce parce qu’on n’a pas pu établir de lien de causalité entre une dégénérescence, une intoxication et l’usage répété d’une de ces substances? On l’ignore, car il n’existe pas de recherches sur le sujet. «Pour effectuer des études, il faut avoir des données, il faut savoir qui prend ces produits. Ils sont vendus sans ordonnance. Il n’y a donc aucun contrôle» déplore le chercheur. Selon La Presse, 70% des gens qui les utilisent ne le disent pas à leur médecin… sans parler des vendeurs de produits naturels qui conseillent aux gens de garder le secret!

Le chercheur ne voit pas pourquoi on devrait classer les produits naturels à part, comme le souhaitent les fabricants. À défaut de retirer de la vente libre, comme l’a fait l’Europe, M. Le Lorier recommande de «demander conseil au pharmacien sur ce qu’on se procure sans ordonnance. Sans exception!»

Chercheur : Jacques Le Lorier
Téléphone : (514) 343-6329

 


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