Hebdomadaire d'information
 
Volume 40 - numÉro 1 - 29 août 2005
 Sommaire de ce numéro
 Archives de Forum

De l'espoir pour les jeunes autistes

Une nouvelle découverte sur l'autisme pourrait permettre d'améliorer les programmes d'intervention précoce

Armando Bertone

Alors qu’on croyait que les personnes atteintes d’autisme n’avaient pas de problème particulier de perception visuelle, les travaux d’Armando Bertone démontrent qu’elles éprouvent des difficultés perceptives. «Elles ne voient pas comme tout le monde», affirme le chercheur.

C’est ce que révèle une étude récente qu’il a effectuée dans le cadre de son doctorat au Laboratoire de psychophysique et perception visuelle sous la direction du professeur Jocelyn Faubert, de l’École d’optométrie. Plus précisément, les résultats, parus récemment dans la revue Brain indiquent que les mécanismes d’intégration de l’information sur le plan visuel sont moins efficaces chez les autistes dès que les stimulus requièrent un traitement cortical plus complexe.
« Si leurs performances sont supérieures dans l’accomplissement de tâches simples, ils perçoivent moins bien que les sujets normaux les barres qui se définissent par la texture, explique le neuropsychologue. Cela nous montre que la perception des autistes n’est pas aussi intacte qu’on le pensait et, surtout, qu’ils ne traitent pas l’image de la même façon que vous et moi.»

Selon le professeur Faubert, il s’agit d’une percée majeure qui pourrait permettre d’améliorer les programmes d’intervention précoce. «On comprend maintenant mieux la façon dont les autistes traitent l’information visuelle, souligne-t-il. Est-ce que leur faible efficacité sur le plan visuel peut expliquer certains comportements anormaux, comme le manque d’intégration sociale? Cela est fort possible mais reste à prouver.»

Une sensibilité aux mouvements

Entreprise en collaboration avec Laurent Mottron, chercheur au Département de psychiatrie, la recherche a été menée auprès de 12 garçons et filles autistes âgés de 9 à 20 ans ayant «développé les capacités de la parole». M. Bertone a ensuite comparé les résultats avec ceux obtenus par des volontaires sains dont le quotient intellectuel variait aussi de 80 à 100. À son avis, les autistes auraient une organisation corticale différente des gens normaux, ce qui produirait une hypersensibilité à la forme d’un objet quand celui-ci est défini par des attributs simples comme la luminance. Par contre, le même phénomène cortical causerait une perte de sensibilité pour les formes définies par des attributs complexes comme la texture.

La récente découverte d’Armando Bertone conduit à une meilleure compréhension de l’autisme. «On sait qu’il ne s’agit pas uniquement de troubles cognitifs, signale-t-il. Les autistes peuvent aussi éprouver des difficultés sensorielles et perceptives.»

Sa recherche se fonde sur une observation qu’il avait déjà pressentie dans une étude antérieure. Entre autres anomalies, fait remarquer M. Bertone, les autistes présentent pour la plupart une sensibilité aux mouvements, par exemple ceux produits par un ventilateur. «L’observation attentive, qui peut durer des heures, semble être provoquée par la stimulation visuelle et auditive», précise le chercheur.

Pour en apprendre davantage sur ce phénomène, il a étudié le seuil de perception du mouvement chez des sujets atteints d’autisme. Le chercheur a alors noté que leur traitement visuel était moins efficace avec une augmentation de la complexité de l’information. «Malgré un niveau intellectuel satisfaisant, les autistes démontrent une sensibilité réduite aux mouvements qui se définissent par le contraste de texture, comme le balancement des feuilles au vent», mentionnait-il à Forum en 2000.

Les résultats de ses travaux, publiés dans le Journal of Cognitive Neuroscience, avaient alors suscité un vif intérêt de la part de la communauté scientifique. À en croire Jocelyn Faubert, le même engouement est à prévoir avec les nouvelles données de M. Bertone. «On a reçu une dizaine de demandes de chercheurs qui veulent obtenir une copie de l’article alors qu’il est encore sous presse», déclare-t-il.

De l’aveu d’Armando Bertone, il reste encore beaucoup de travail à accomplir pour situer tant l’étiologie que le traitement de cette grave affection du développement. «Pour l’instant, on ne connait pas encore l’étiologie précise de l’autisme, dit-il. De nombreux chercheurs plaident en faveur d’une contribution majeure des facteurs génétiques. D’autres montrent du doigt les complications durant la grossesse et à l’accouchement. Les troubles de développement propres à l’autisme permettent cependant d’évoquer un dysfonctionnement cérébral.»

Dominique Nancy

Ce site a été optimisé pour les fureteurs Microsoft Internet Explorer, version 6.0 et ultérieures, et Netscape, version 6.0 et ultérieures.