Hebdomadaire d'information
 
Volume 40 - numÉro 1 - 29 août 2005
 Sommaire de ce numéro
 Archives de Forum

Les parents du Québec sont trop mous avec leurs enfants

Selon une enquête, il y aurait moins de châtiments corporels, mais plus d'agressions psychologiques récurrentes

Les parents sont de plus en plus défavorables aux punitions corporelles.

Les Québécois ne sont apparemment pas assez fermes avec leurs enfants, selon une enquête menée auprès de quelque 4000 mères et pères de la province. «C’est ce que croient la majorité des parents interrogés», signale Claire Chamberland, professeure à l’École de service social et coauteure d’un rapport sur les attitudes et les comportements parentaux en matière de discipline des enfants.

L’étude, réalisée en collaboration avec des chercheuses de l’Université du Québec en Outaouais et de l’Institut de la statistique du Québec, montre que les parents du Québec utilisent de moins en moins la violence mineure, comme la fessée ou la tape sur la main, pour discipliner leurs enfants. Mais alors que le taux de «violence physique sévère» demeure stable (par exemple frapper l’enfant avec un objet dur, le gifler ou encore le jeter par terre), les agressions psychologiques répétées sont de plus en plus monnaie courante.

Selon la professeure, la baisse observée du recours à la punition corporelle indique une certaine amélioration quant aux règles de conduite adoptées par les parents. Moins de mères rapportent avoir donné des tapes à leurs enfants, soit 43% en 2004 comparativement à 48% en 1999. Les pères ont des attitudes semblables en matière de discipline des enfants, mais ils sont un peu plus enclins que les mères à favoriser la fessée. Seulement 20% des pères et 16% des mères approuvent l’existence d’une loi qui permet aux parents d’employer la force pour corriger un enfant.

«Les parents semblent davantage conscients des conséquences néfastes du recours à la violence physique, constate Mme Chamberland. Ils sont d’ailleurs plus nombreux à croire que donner des tapes à leurs enfants n’est pas la meilleure façon de leur apprendre à bien se conduire. Cela laisse supposer qu’ils sont à la recherche de stratégies éducatives leur permettant d’être à la fois fermes, pacifiques et efficaces.»

On hurle, on crie et on sacre encore plus qu’avant

Les résultats de l’étude appuient l’hypothèse que les parents du Québec sont de plus en plus concernés par le bien-être de leurs enfants et défavorables aux punitions corporelles. «Quatre-vingt-dix-huit pour cent d’entre eux disent avoir employé des stratégies non violentes axées sur le retrait de privilèges, la communication ou la distraction», souligne Claire Chamberland.

Claire Chamberland

Reste que 1,5% des mères québécoises ont brutalisé leurs enfants à trois reprises ou plus au cours de l’année. Cela signifie que plus de 23 000 enfants ont été frappés avec un objet dur, saisis par le cou ou encore secoués en bas âge. «C’est inquiétant, estime Mme Chamberland. Les enfants qui subissent de telles agressions à répétition sont 10 fois plus nombreux que le nombre de signalements retenus pour abus physique par la Protection de la jeunesse au Québec.»

Un sondage similaire effectué en 1999 auprès des mères québécoises révélait un recours aussi fréquent qu’en 2004 aux châtiments corporels envers les enfants. «Le taux de “violence physique sévère” a diminué légèrement, passant de 7 à 6% entre 1999 et 2004, précise Mme Chamberland. Mais depuis, la proportion d’agressions psychologiques à répétition est passée de 48% en 1999 à 52% en 2004.»

Les parents remplacent-ils les coups par les cris et les sacres? Cela est possible, semble dire la chercheuse. «Mais il est possible aussi que les parents soient plus sensibles qu’avant à l’agression psychologique et qu’ils la reconnaissent davantage.» Mme Chamberland espère pouvoir répéter le sondage en 2009 afin de mieux connaitre l’évolution des normes et conduites parentales à l’égard de la discipline et de l’éducation des enfants.

Les résultats complets du rapport «La discipline des enfants au Québec: normes et pratiques des parents en 2004» seront publiés en novembre et divulgués au cours des journées de la santé publique.

Un symposium marquant

Des faits importants liés à la vie des enfants ont également été présentés à l’occasion du Sixième Symposium national sur la protection et le bien-être des enfants à l’Université de Montréal. Des enfants à protéger, des adultes à aider: deux univers à rapprocher aura permis de réunir près de 350 chercheurs, intervenants, gestionnaires et décideurs de provenances internationales.

«L’aspect novateur du symposium était de rassembler en un seul et même lieu les spécialistes des services de protection et d’aide à l’enfance ainsi que les chercheurs et intervenants auprès de populations adultes dans les domaines de la violence conjugale, la toxicomanie, les problèmes de santé mentale et de déficience intellectuelle», résume Claire Chamberland, l’organisatrice en chef de la rencontre.

Organisé par le Centre d’excellence pour la protection et le bien-être des enfants (CEPBE) en collaboration avec l’Agence de santé publique du Canada et le Groupe de recherche et d’action sur la victimisation des enfants et Alliance de recherche en développement des enfants dans leur communauté, le symposium aura été une occasion de faire le point sur les enjeux clés associés aux situations des familles à l’intérieur desquelles vivent les enfants signalés à la Protection de la jeunesse parce que leur sécurité ou leur développement sont compromis.

Pour le CEPBE, dont Claire Chamberland est codirectrice, cette rencontre représente près de deux ans de travail.

Dominique Nancy

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