Hebdomadaire d'information
 
Volume 40 - numÉro 30 - 15 mai 2006
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 Archives de Forum

Bernard-Henri Lévy parle de Daniel Pearl

Les correspondants de guerre jouent un rôle essentiel

Daniel Pearl, décapité puis dépecé en 10 morceaux en janvier 2002 par des terroristes au Pakistan, a été tué parce qu’il était américain et juif, mais surtout parce qu’il était journaliste. Telle est l’opinion du philosophe et écrivain français Bernard-Henri Lévy, invité le 2 mai à présenter à Montréal une conférence sur la liberté de la presse.

«Beaucoup de gens me demandent ce qu’il lui a pris de se jeter ainsi dans la gueule du loup. Je réponds que la mission des correspondants en terrains hostiles est essentielle. Ils plaident pour l’unité du genre humain», a commenté M. Lévy.

Au moment de son enlèvement, a rappelé le conférencier, Daniel Pearl enquêtait pour le compte du Wall Street Journal sur les groupes terroristes et la filière nucléaire du Pakistan, deux sujets toujours d’actualité quatre ans plus tard. Bernard-Henri Lévy, qui a été bouleversé par cet assassinat, a consacré un livre à la recherche des responsables: Qui a tué Daniel Pearl? (Grasset).

Dans cet ouvrage troublant, écrit dans un style journalistique, le philosophe remonte la filière terroriste pour découvrir que le sacrifice de l’otage n’était pas un acte improvisé et isolé, mais le résultat d’une conciliation de la nébuleuse islamiste au Pakistan. «Pour comprendre ce crime barbare, je me suis intéressé aux assassins. J’ai mis mes pas dans leurs pas.»

Rassemblant les moindres indices qu’il pouvait trouver, il découvre qu’une trentaine de personnes sont impliquées dans l’exécution. Au sommet de la pyramide, un homme, Omar Sheikh. C’est lui qui égorgera de ses mains le journaliste américain. Ce «fils préféré» d’Oussama Ben Laden n’a pourtant pas la tête de l’emploi. Avant de devenir un fou de Dieu, il était un modèle d’intégration à la société britannique.

«Ce serait si facile si le diable avait l’air du diable», a dit le philosophe dans un soupir. Omar Sheikh a étudié dans les plus grandes écoles (dont la London School of Economics), aimait jouer aux échecs et faire la fête avant de basculer dans le terrorisme. «C’est le jumeau inversé de Daniel Pearl, un être lumineux qui voulait tendre la main, dialoguer, favoriser des alliances», a souligné M. Lévy.

Dure année pour les journalistes

La conférence de Bernard-Henri Lévy, organisée par Reporters sans frontières (RSF) et à laquelle était associé le Centre d’études et de recherches internationales de l’Université de Montréal, a attiré quelque 300 personnes au Monument national. La présidence d’honneur en avait été confiée à Michaëlle Jean, gouverneure générale du Canada. «J’ai grandi dans un pays où l’on assassine les journalistes», a-t-elle affirmé, faisant référence à ses origines haïtiennes.

L’année 2005, rappelle RSF, a été la plus meurtrière en 10 ans pour les journalistes: 63 d’entre eux ont été tués, 1308 ont été agressés ou menacés et l’on rapporte plus de un millier de cas de censure. Le Canada ne fait pas partie de la liste des pays problématiques ciblés par RSF, mais plusieurs intervenants dénoncent vertement la décision du gouvernement d’interdire aux médias l’accès aux soldats morts en Afghanistan et de retour en terre canadienne.

Il en coutait 50$ pour assister à la conférence de Bernard-Henri Lévy (et 150$ pour prendre part au cocktail qui la précédait). Les fonds amassés permettront à RSF de «continuer son combat contre la censure en allouant des bourses d’assistance aux familles démunies, en accueillant les journalistes contraints de fuir leur pays ou encore en mettant en place des ateliers de formation pour assurer la sécurité des journalistes québécois et canadiens en zones de conflits».

Mathieu-Robert Sauvé

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