Hebdomadaire d'information
 
Volume 40 - numÉro 30 - 15 mai 2006
 Sommaire de ce numéro
 Archives de Forum

Une fin de parcours à l’échelle humaine en aménagement

Les finissants des cinq disciplines présentent leurs travaux

De haut en bas

Frédéric Gagnon, finissant en design industriel, souhaite diminuer les blessures chez les acrobates avec son bandeau de protection Skin.

Guy Bergeron veut donner un immeuble permanent aux conservatoires de musique et d’art dramatique, actuellement logés temporairement dans Le Plateau-Mont-Royal.

Évelyne Lemaire a rapporté de son voyage en Allemagne le sujet de son projet de fin d’études à l’Institut d’urbanisme.

D’ici quelques années, les portes des maisons closes seront grandes ouvertes, croit Roxanne Journet. S’il n’en tenait qu’à la finissante au baccalauréat de la Faculté de l’aménagement, une vieille banque du sud-ouest de Montréal serait convertie en une authentique maison de prostitution qui prendrait les allures d’un hôtel-boutique bon chic, bon genre. «Mon projet propose une approche moderne de la prostitution, en rupture avec celle, romantique et rétrograde, à laquelle on est habitués», a-t-elle expliqué le plus sérieusement du monde en présentant les plans de son «effeuillage architectural».

Conçu pour s’insérer près du canal de Lachine (où le Casino de Montréal devait un temps déménager et accueillir une salle permanente du Cirque du Soleil), la maison de Roxanne Journet comprendrait quatre étages, une piscine et des spas. Les clients pourraient prendre un verre au bar du rez-de-chaussée ou fixer sans attendre leur rendez-vous à l’aide de guichets informatisés avant de monter aux étages. «Les matériaux bruts rappellent le monde clandestin de ce genre d’établissement et la dure réalité de la prostitution de rue», pouvait-on lire dans le très beau catalogue de l’exposition, consacré aux projets des étudiants.

Nous étions à la traditionnelle exposition des finissants de la Faculté de l’aménagement, qui s’est tenue les 4, 5 et 6 mai. Les croquis et les plans de Roxanne Journet étaient exposés parmi des centaines de travaux de finissants des cinq disciplines que couvre la Faculté: architecture, urbanisme, architecture de paysage, design industriel et design d’intérieur.

«Échelle humaine»

«Encore une fois cette année, les productions témoignent de l’immense créativité de nos étudiants», a souligné Irène Cinq-Mars, doyenne de la Faculté. Avec une formation plus que jamais interdisciplinaire, les finissants se sont posés en «bâtisseurs de qualité de vie», selon son expression. Cette exposition, la 13e de l’histoire de la Faculté, était une réalisation à cent pour cent étudiante. La contribution de l’unité s’est essentiellement résumée à prêter les locaux.

Le thème retenu pour 2006, «Échelle humaine», a permis à chaque école de présenter ses visions de l’aménagement intérieur et extérieur. Sur le terrain autour du pavillon, on a pu apercevoir des silhouettes d’êtres humains, grandeur nature, qui annonçaient le thème. «Se placer à l’échelle humaine, c’est adopter plusieurs points de vue sur l’espace, la forme, la beauté, le temps, et tenter de les comprendre», a mentionné la doyenne dans son mot d’introduction.

Guy Bergeron, auteur d’un projet visant à donner un immeuble définitif aux conservatoires de musique et d’art dramatique de Montréal, a accompagné Forum à travers les présentations de l’École d’architecture. Les étudiants de cette école ont soumis 44 projets incluant les plans et élévations, l’approche théorique et une maquette. «Dans la réalité, a signalé l’aspirant architecte, c’est la plus simple des étapes de la construction d’un bâtiment que nous voyons ici.»

En d’autres termes, ces projets doivent s’insérer dans un espace réel, mais aucun ne verra le jour, car ils ne répondent pas à une commande. L’objectif est strictement pédagogique. N’empêche qu’on s’est laissé aller à rêver au magnifique immeuble de verre de Patrick-Hugues Tiernan, qu’il imaginait s’élever près de la station de métro Saint-Laurent, à Montréal. Ou encore à l’autre projet de conservatoire, élaboré par Sébastien Desparois. Des projets d’aménagement de berges, de centres culturels ou de théâtres valaient aussi le détour. «Une belle démonstration des acquis des étudiants», a commenté le directeur de l’École, Georges Adamczyk, qui a rappelé le caractère collectif des travaux.

Développement durable et matériel de cirque

Évelyne Lemaire, finissante à l’Institut d’urbanisme, a fait observer que le respect de l’environnement et l’intégration du développement durable étaient omniprésents dans les projets de cette année. «Ces éléments ne font pas partie des exigences du programme, mais on ne pense plus urbanisme sans en tenir compte», a-t-elle dit.

Son projet n’échappait pas à cette règle. Il consistait au réaménagement d’une région industrielle allemande tournée vers l’activité sidérurgique et minière. Son idée lui est venue d’un voyage d’études effectué en Europe l’an dernier.

Du côté de l’École de design industriel, où les visiteurs en ont eu véritablement plein la vue (le catalogue fait près de 200 pages), les grands principes de l’heure étaient aussi présents. «Le designer intégrateur, intéressé autant par les questions sociales et par l’innovation technologique que par le développement durable, écrit dans le catalogue le directeur de l’École, Luc Courchesne, est plus que jamais au centre des enjeux de notre temps et aux premières lignes des stratégies de développement d’un marché mondial.»

Selon lui, la 33e cohorte de l’histoire de l’École est mieux outillée que jamais pour faire face à la concurrence internationale. Et plusieurs diplômés sont des modèles très inspirants: Caroline Saulnier, par exemple, qui a fondé Synetik Design, ou Luc Mayrand, devenu chef de projet chez Walt Disney Imagineering.

Ce ne sont pas les idées qui manquaient ici. Rémi Bernier a conçu un vêtement dans lequel le téléphone et le lecteur de musique sont carrément intégrés à la doublure. Sandra Bienvenu, elle, a créé un jeu permettant aux enfants d’âge préscolaire de maitriser leur colère. Audrey Cliche a dessiné un vêtement d’allaitement. Sébastien Dubois s’est tourné du côté biomédical en inventant une prothèse très ergonomique qui permet à l’unijambiste de retrouver une motricité presque équivalente à celle des autres marcheurs.

Pour Frédéric Gagnon, ancien employé du Cirque du Soleil, c’est l’observation des acrobates qui lui a donné le sujet de son projet de fin d’études. En mettant au point un équipement de protection pour le corps, appelé Skin, il permet aux artistes qui se suspendent aux trapèzes, cordes et cerceaux de diminuer les risques de blessures. Les prototypes ont été si appréciés qu’il a reçu des commandes. «Les applications de mon projet débordent largement le domaine des arts du cirque», a-t-il lancé avec enthousiasme. Une histoire à suivre donc.

Mathieu-Robert Sauvé

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