Hebdomadaire d'information
 
Volume 40 - numÉro 30 - 15 mai 2006
 Sommaire de ce numéro
 Archives de Forum

courrier du lecteur

Le renouvèlement du corps professoral, clé du développement de l’Université

Renée Béland, École d’orthophonie et d’audiologie

André Blouin, Département de biomédecine vétérinaire

Michèle Brochu, Département d’obstétrique-gynécologie

Louis Dumont, Département de pharmacologie

Serge Larochelle, Département de psychologie

Yahye Merhi, Institut de cardiologie de Montréal

Jean Portugais, Département de didactique

Samir Saul, Département d’histoire

Membres du bureau du Syndicat des professeurs et professeures de l’Université de Montréal

L’incertitude actuelle concernant la poursuite de l’embauche de professeurs à l’Université de Montréal est fort préoccupante. L’inquiétude est palpable au sein des unités, parmi nos collègues. Et pour cause. Les décisions prises aujourd’hui auront des conséquences tangibles dès la prochaine rentrée. Elles risquent aussi d’infléchir considérablement l’avenir de cet établissement.

Rappelons d’abord qu’au moment où les ententes de planification 2005-2006 ont été, récemment, remises en question, l’Université de Montréal tentait déjà de combler un déficit de 125 professeurs ou professeures, résultat d’une évolution mal harmonisée: entre 1995 et 2004, en effet, l’effectif étudiant a connu une hausse de 22,9%, alors que le personnel enseignant régulier subissait au bout du compte, en dépit de la remontée des dernières années, une baisse de 3,2%. Compte tenu des inévitables départs à la retraite, surseoir à l’embauche ne représente pas une simple interruption de la croissance: ce serait un recul susceptible de nous ramener, malgré tous les projets ambitieux que caresse notre université, à un climat de morosité qu’on osait croire révolu.

Les universités québécoises font face à un financement public inférieur à leurs attentes. Comme les choses se présentent, la marge de manœuvre est mince. Aucun des établissements universitaires ne peut en fait se projeter dans l’avenir sans miser, avec une part acceptable de risque, sur les facteurs qui présentent le meilleur potentiel comme levier de développement. Vu la rareté relative des ressources, il importera qu’ils le fassent au regard des aspects prioritaires de leur mission.

À l’Université de Montréal, le rapport étudiants-professeur se situe parmi les moins favorables au Québec et au Canada1. Les deux faces de cette situation: un encadrement moins soutenu pour les étudiants, une charge de travail plus élevée pour le corps professoral. On observe une augmentation des groupes-cours, même par rapport aux pires moments d’austérité des années 90; cela touche surtout les 2e et 3e cycles, où la taille des groupes a crû d’environ 40% pendant la dernière décennie. Voilà qui, parmi d’autres facteurs tels que le soutien financier aux étudiants, n’est peut-être pas étranger au fait que l’Université de Montréal se situe derrière la majorité des universités québécoises pour ce qui est du taux de diplomation à la maitrise2.

Dans ce contexte, reléguer le renouvèlement du corps professoral ailleurs qu’aux premiers rangs des priorités est un très mauvais signal à envoyer à la communauté universitaire et aussi au reste de la société. Cela donnerait à penser que l’Université de Montréal n’est pas sensible au pouls du milieu et que, tout en en mettant beaucoup sur les épaules des professeurs et professeures, elle ne les considère pas vraiment comme une force motrice essentielle.

Ce qui nous rend perplexes, c’est que l’Université de Montréal a le vent dans les voiles à bien des égards. Les inscriptions étudiantes sont à la hausse. Par ailleurs, le corps professoral de l’Université affiche une performance enviable pour ce qui est de la confiance accordée par les organismes qui subventionnent la recherche. Il nous faudra cependant un soutien institutionnel et des conditions qui nous permettront de conjuguer les divers volets de notre tâche pour réaliser ces recherches et conserver cette réputation qui, rejaillissant sur plusieurs plans, devient un puissant levier de développement et de promotion de l’Université.

L’arrêt de l’embauche de professeurs et professeures risque d’avoir un effet domino et d’entrainer une dégradation du milieu. Nous entrevoyons une série de conséquences à moyen et à long terme:

• une augmentation des tensions et une détérioration du climat au sein des unités;

• l’épuisement professionnel et la perte de motivation;

• la réduction de la diversité des champs disciplinaires;

• l’affaiblissement des liens entre l’enseignement et la recherche;

• une perte du sens et de la profondeur du savoir acquis par les étudiants et étudiantes pendant leur formation (et, à ce sujet, il est de notre devoir d’élargir les perspectives de ceux et celles qui s’accommoderaient d’une baisse des exigences du moment qu’ils obtiennent un diplôme);

• la diminution des efforts que les professeurs et professeures sont en mesure de consacrer à la mise à jour des programmes, qui doivent être adaptés à une réalité changeante mais qu’on ne peut laisser évoluer au gré du vent;

• une baisse du degré de satisfaction, nuisible au rayonnement de l’Université.

La clé du développement d’une université, la source de sa vitalité et de son rayonnement, ce sont les compétences intellectuelles, scientifiques et pédagogiques. En adoptant une approche axée sur la valorisation des fonctions professorales, l’Université de Montréal pourrait trouver un nouveau souffle et se démarquer.

 

1 Selon les données de Statistique Canada regroupées dans l’Almanach de l’enseignement postsecondaire 2006 de l’ACPPU, ce rapport atteignait 25,1 à l’Université de Montréal en 2003-2004, alors qu’il n’était que de 19,7 à McGill et de 17,4 à l’Université de Sherbrooke, par exemple.

2 Selon les taux indiqués dans Faits et chiffres. Document de référence. Tournée du recteur, hiver 2006.

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