Hebdomadaire d'information
 
Volume 41 - numÉro 17 - 22 JANVIER 2007
 Sommaire de ce numéro
 Archives de Forum

La testostérone diminuerait les risques d’arythmie ventriculaire grave

Les travaux de Judith Brouillette sur l’arythmie ventriculaire lui valent le prix de la meilleure thèse en sciences de la santé

Les problèmes cardiaques accaparent beaucoup d’énergie dans le secteur de la santé.

Une forme grave d’arythmie ventriculaire nommée «torsade de pointes» est maintenant mieux connue grâce aux travaux de doctorat de Judith Brouillette. Sous la direction de Céline Fiset, professeure à la Faculté de pharmacie, la chercheuse a pu établir que la testostérone joue un rôle préventif dans cette affection.

Les diverses formes d’arythmie cardiaque sont causées par la perturbation des impulsions électriques des composantes du cœur, ce qui entraine des contractions désynchronisées des oreillettes ou des ventricules. Au repos, le cœur effectue normalement de 60 à 80 battements à la minute, mais, dans les cas d’arythmie ventriculaire extrême, le nombre de battements peut atteindre 200 à la minute. Sans intervention rapide, il y a risque de mort. Les différentes formes d’arythmie tuent chaque année plus de 400 000 Américains.

Différences intersexes
L’une des causes des torsades de pointes est la durée prolongée de la phase de relaxation du ventricule, soit la phase pendant laquelle le sang emplit la cavité pour être par la suite expulsé au cours de la phase de contraction.
«Même chez les femmes en santé, la phase de relaxation est généralement plus longue que chez les hommes, explique Judith Brouillette. C’est pourquoi on diagnostique trois fois plus de torsades de pointes chez les femmes que chez les hommes.»

Cela est également le cas chez plusieurs autres espèces de mammifères. Des travaux antérieurs réalisés au laboratoire de Céline Fiset sur des souris ont permis de déterminer que la relaxation prolongée est due à une période de repolarisation cellulaire plus longue chez la femelle. La repolarisation, par opposition à l’excitation, est l’opération par laquelle la cellule cardiaque se vide de sa charge électrique. C’est la synchronisation des cycles d’excitation et de repolarisation des milliers de cellules du ventricule qui assure la contraction et la relaxation du ventricule.

La cellule utilise plusieurs sources d’ions pour se charger. Des travaux de la professeure Fiset ont permis de découvrir que la repolarisation plus lente chez les souris femelles était due à un nombre moins élevé de canaux potassiques sur leurs cellules cardiaques. «Ces canaux permettent aux ions de potassium de sortir de la cellule, précise Judith Brouillette. Comme ces canaux sont produits par des protéines dont la synthèse est régulée grâce à des hormones, nous avons voulu savoir si les hormones sexuelles étaient responsables de la différence observée entre les mâles et les femelles.»

Un autre facteur incitait à explorer cette piste: chez les humains, les différences intersexes dans la repolarisation n’apparaissent qu’après la puberté et se manifestent par une accélération du temps de repolarisation chez les garçons.

Souris et cobayes
Une première série de travaux effectués par Judith Brouillette sur des souris mâles castrées a montré que le temps de repolarisation chez ces eunuques était plus long que chez les mâles non castrés et qu’il se rapprochait de celui des femelles. «Nous ne savions pas au départ si c’était l’œstrogène ou la testostérone qui en était responsable, mais ces résultats indiquaient fortement que la testostérone réduisait le temps de la repolarisation», mentionne la chercheuse.

Judith Brouillette a poursuivi ses recherches à l’aide d’une lignée de souris sélectionnées pour leur taux de testostérone très faible. Les premiers résultats ont été confirmés: le temps de repolarisation ventriculaire était similaire chez les mâles et chez les femelles. En administrant une dose de testostérone aux mâles de cette espèce, on a noté que le temps de repolarisation s’était raccourci.

Judith Brouillette

Judith Brouillette

«Nous avons donc découvert que la testostérone influe sur les canaux potassiques et que ceci accélère le temps de repolarisation, ce qui exerce une protection contre les torsades de pointes», déclare-t-elle.

La chercheuse a voulu refaire l’expérience avec des cobayes, une espèce qui permet d’étudier d’autres canaux potassiques que ceux de la souris et qui sont présents chez l’humain. À sa grande surprise, aucune différence intersexe n’a été observée dans la repolarisation chez cette espèce.

«Nous avons quand même réussi à cibler le mécanisme de la repolarisation plus lente chez les femmes, maintient Mme Brouillette. Il reste à cerner lequel des types de canaux potassiques est en cause chez les humains et nos travaux montrent que le cobaye n’est pas le meilleur modèle pour une telle recherche.»

Meilleure thèse
Ces travaux ont conduit à plusieurs publications dans des revues savantes (Cardiovascular Research, The Journal of Physiology, Journal of Molecular and Cellular Cardiology) et ont valu à Judith Brouillette le prix de la meilleure thèse en sciences de la santé décerné par la Faculté des études supérieures en 2006. Le jury a considéré que cette recherche était du niveau de ce qui se fait dans les plus grands laboratoires du monde s’intéressant à cette question. L’excellence de ce travail a également été reconnue par l’Académie des Grands Montréalais, qui a honoré la chercheuse.

Judith Brouillette ne se repose pas sur ses lauriers. Fascinée par le corps humain, dit-elle, elle vient d’entreprendre de nouvelles études cette fois en médecine. «J’ai satisfait ma curiosité intellectuelle au doctorat et je veux maintenant explorer l’aspect clinique pour nouer des contacts avec les patients.»

Daniel Baril

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