Hebdomadaire d'information
 
Volume 41 - numÉro 24 - 19 MARS 2007
 Sommaire de ce numéro
 Archives de Forum

Le secret des desserts est dans la science

Un nouveau guide décortique la chimie des desserts afin de mieux les cuisiner

Que celui qui n’a jamais raté un dessert lève la main! Pour une raison obscure, la pâte s’affaisse, la croute se fendille, la crème tourne, le caramel se cristallise. Qu’ils soient novices ou expérimentés, tous les cuisiniers ont déjà connu pareils revers. Dépités, ils se sont tous posé la même question: «Pourquoi?» La professeure de science des aliments du Département de nutrition, Christina Blais, met fin aux interrogations des pâtissiers en herbe en démythifiant les phénomènes chimiques et physiques des desserts dans le guide La chimie des desserts, coécrit avec son complice de longue date le chef Ricardo Larrivée.

Dessert

«Cet ouvrage comble un besoin pressant, affirme Christina Blais. Aucun autre sur le marché canadien ne lui ressemble. Bien sûr, il y a déjà eu des livres qui ont traité un peu de la chimie de la cuisine. Au début des années 80, un professeur de chimie de l’Université McGill, Arthur E. Grosser, a écrit un opuscule qui s’intitule The Cookbook Decoder. Cette publication expliquait essentiellement la raison de certains gestes faits en cuisine et les réactions de certains ingrédients. Notre guide est différent. C’est la première fois qu’on vulgarise la chimie alimentaire de façon que cette information soit vraiment  compréhensible et agréable, mais aussi appétissante et digeste.»

 

Dessert

L’initiative de la nutritionniste s’inscrit partiellement dans le courant de la gastronomie moléculaire, élaboré il y a 20 ans par les physiciens Hervé This et Nicholas Kurti. «Le principe de la gastronomie moléculaire consiste à appliquer les notions fondamentales de chimie alimentaire et de science des aliments à la cuisine, précise Christina Blais. On étudie les prescriptions retrouvées dans les recettes et l’on tente de les valider. On a ainsi prouvé que les blancs d’œufs montent mieux en neige dans un bol en cuivre.» La gastronomie moléculaire est actuellement introduite dans les restaurants. Les cuistots peuvent améliorer leur savoir-faire grâce à une meilleure manipulation de leurs outils et de leurs ingrédients. «Mais le commun des mortels n’est pas encore rendu là, signale Mme Blais. Il est vrai que notre livre est dans la même lignée, mais le tout reste simple. Et ce n’est pas aussi époustouflant que la crème glacée à l’azote liquide [célèbre recette d’Hervé This, qui utilisait l’azote liquide au lieu de la sorbetière]!»

Dessert

À la demande générale
L’idée derrière La chimie des desserts est née au fil des interventions de Christina Blais à l’émission Ricardo. «Il y a cinq ans, j’ai commencé à faire quelques apparitions pour répondre à des questions comme “Quelle est la différence entre la poudre à pâte et le bicarbonate de soude? Pourquoi mon gâteau est-il fendu? Pourquoi mes biscuits s’étalent-ils à la cuisson? Est-il vrai qu’il faut saisir un rôti de bœuf avant de le mettre au four?”» Ses explications imagées et pertinentes ont suscité un intérêt monstre parmi le public. «Les gens nous demandaient de leur recommander un livre sur la chimie alimentaire. Certains voulaient même assister à mes cours à l’Université!» s’étonne-t-elle encore.

Christina Blais souhaitait au départ couvrir tous les domaines de la gastronomie. La tâche s’est rapidement révélée titanesque. «Nous avons alors choisi de nous concentrer sur les desserts, raconte-t-elle. Le domaine de la pâtisserie soulève par ailleurs énormément de questions. Il est difficile de rater une soupe, mais qui n’a jamais manqué un gâteau?» Contrairement à d’autres types de plats, les desserts réussis exigent un équilibre parfait des ingrédients. Il suffit de peu pour que les efforts du pâtissier soient réduits à néant: trop de beurre, pas assez de farine, des blancs d’œufs trop battus, de mauvais instruments, un four légèrement surchauffé…

Après 20 ans d’expérimentation en laboratoire avec ses étudiants, la professeure cerne aujourd’hui en deux coups de cuillère à pot les problèmes de certaines recettes. Les pépins rencontrés en classe, conjugués aux nombreuses questions du public, ont constitué la matière première du guide. Afin de faciliter la compréhension du lecteur, Christina Blais s’emploie d’abord à regarder différents ingrédients à la loupe. Œufs, farine, fruits, gélatine, sucre, chocolat sont observés au microscope. Comment les œufs épaississent-ils? Qu’est-ce qui fait gonfler les soufflés? Pourquoi les fruits brunissent-ils? Suivent des sections pratiques comme «Conseils et techniques» et «Problèmes et solutions». Le cuisinier y apprend pourquoi la mie du gâteau au beurre est caoutchouteuse, pourquoi la confiture est trop ferme ou pourquoi la tire ne s’étire pas. Chaque chapitre se clôt inévitablement sur une série de recettes de base infaillibles… ou presque!

Christina Blais

Christina Blais

S’affranchir de la recette
Si un tel ouvrage s’impose aujourd’hui, c’est que l’enseignement de la cuisine selon les règles de l’art est en voie de disparition. «Les écoles secondaires n’enseignent plus l’économie familiale, remarque Christina Blais. De moins en moins de parents prennent le temps de montrer des techniques culinaires à leurs enfants. Souvent, les gens exécutent une recette selon ce qu’ils pensent être correct.» D’après elle, les concepteurs de recettes ne tiennent pas compte de ces lacunes. «Ils présument que la personne sait comment blanchir les œufs avec le sucre, mesurer la farine, monter les œufs en neige, se désole-t-elle. Mais ce n’est pas le cas. On essaie de combler ce manque et pas seulement avec des conseils techniques. On mise surtout sur la compréhension de la chimie des aliments. Le lecteur devient alors maitre de la recette. Quand on gagne en confiance, on peut devenir plus créatif!»

Marie Lambert-Chan

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