Édition du 17 septembre 2001 / Volume 36, numéro 4
 
  L’UdeM voit grand en nanosciences
Le recrutement de nouveaux professeurs consolide la position de l’Université de Montréal dans la recherche en nanosciences sur les scènes nationale et internationale.

Normand Mousseau, professeur au Département de physique et théoricien des nanosciences.

On croyait l’ère de l’ordinateur arrivée, mais il semble qu’on n’ait encore rien vu. Avec les nanosciences et les nanotechnologies, une nouvelle révolution technologique bouleversera dans les prochaines années le monde de l’informatique et celui des matériaux. L’enjeu de cette nouvelle discipline de l’infiniment petit n’est rien de moins que le contrôle de la matière à l’échelle de l’atome.

Le terme «nanoscience» désigne l’étude des phénomènes observés dans des structures dont la taille se mesure en nanomètres (nm), c’est-à-dire en milliardièmes de mètre (10-9 m). Un atome, par exemple, peut avoir entre 0,1 et 0,4 nm, alors que la molécule d’ADN mesure 2 nm de large. Les nanotechnologies sont les domaines d’application des phénomènes observés à une échelle de moins de 100 nm.

«Mais les nanotechnologies en sont encore à leurs balbutiements. De nombreux problèmes théoriques doivent être réglés avant qu’on puisse en exploiter tout le potentiel», estime le théoricien Normand Mousseau, professeur au Département de physique et lauréat du prix Cottrell Scholars (voir l’encadré «Des États-Unis à Montréal»).

Avec ses collègues Michel Côté et Matthias Ernzerhof, respectivement des départements de physique et de chimie, Normand Mousseau est au nombre des trois nouveaux professeurs engagés par l’Université depuis un an pour développer la recherche en nanosciences.

Déjà dans le peloton de tête de la recherche canadienne dans ce domaine, l’Université de Montréal et l’École Polytechnique consolideront leur position avec le recrutement de 20 autres chercheurs au cours des cinq prochaines années. Au terme de cette opération liée au projet Technopole-Montréal, le campus devrait héberger une dizaine de chaires de recherche du Canada dans des disciplines liées aux nanosciences et aux nanotechnologies.

Applications illimitées

L’intérêt pour cette discipline de pointe s’explique à la lumière de la vaste gamme d’applications que permettra la connaissance des propriétés atomiques.

On sait que, lorsque la taille des particules de base (pouvant mesurer plusieurs milliers de nanomètres) des matériaux traditionnels est réduite à quelques dizaines de nanomètres, les propriétés de ces particules changent de façon fondamentale. Plus la taille d’une particule est réduite, plus la résistance et la malléabilité du matériau augmentent.

Un objet de nanocuivre, par exemple, composé de particules de 50 nm est deux fois plus résistant que le même objet fabriqué de cuivre «ordinaire». L’étude de telles propriétés insoupçonnées pourra modifier considérablement la compréhension des phénomènes physiques, chimiques ou biologiques en cause et permettra la création de nouveaux produits industriels.

Les applications qu’on pourra en tirer paraissent illimitées: des pneus inusables et recyclables, des catalyseurs qui réduiraient la pollution des moteurs à combustion, des médicaments en mesure de cibler des endroits très précis dans le corps, des ordinateurs à la rapidité multipliée par un milliard, des biocapteurs capables de détecter la présence de bactéries en quelques instants, de nouvelles méthodes de fragmentation de l’ADN, etc.

Connaître les lois d’abord

La technique d’activation et de relaxation (ART) élaborée par Normand Mousseau peut servir à comprendre la structure des matériaux tout aussi bien inertes que vivants. La figure ci-dessus présente une configuration excitée d’une protéine modèle de 38 résidus produite avec l’algorithme ART.

«Bien sûr, on peut déjà tirer des applications des phénomènes nanométriques — comme c’est le cas pour certains polymères et semi-conducteurs — sans comprendre exactement leur dynamique, reconnaît Normand Mousseau.

«Mais le but de la recherche fondamentale est d’arriver à comprendre cette dynamique pour exploiter les propriétés d’autoassemblage des atomes en systèmes complexes, par exemple comment se déplacent les atomes de verre qui tendent, sur une échelle de quelques milliards d’années, vers un état cristallin. La compréhension de ces lois qui régissent le déplacement des atomes permettrait de produire de véritables nanodispositifs qui s’assembleraient d’eux-mêmes.»

L’étude d’une telle transformation atomique sur une échelle de milliards d’années constitue tout un défi puisque la dynamique de l’atome ne s’observe qu’en nanosecondes!

Normand Mousseau a donc conçu, avec un collègue de l’Université d’Utrecht, un algorithme qui permet de simuler le développement de phénomènes nanométriques sur des périodes de temps plus étendues et d’observer les transformations.

Ses travaux de recherche visent, entre autres, à utiliser cet algorithme — l’algorithme ART pour activation and relaxation technique — de concert avec des algorithmes plus traditionnels de calcul quantique afin de prédire les propriétés des nanomatériaux.

«Les modèles mis au point pour expliquer les systèmes macroscopiques comportant un grand nombre d’atomes ne réussissent pas à rendre la dynamique de systèmes plus petits, explique-t-il. Nous cherchons à produire des interfaces entre ces deux échelles afin d’aller au-delà de ce qui est présentement possible en simulation.»

L’équipe de l’Université de Montréal est l’une des seules au monde, avec celles des universités de Washington à Seattle et de Cambridge en Angleterre, à travailler à ce type d’algorithmes qui permet d’élargir la plage de temps accessible en simulation.

Daniel Baril

Des États-Unis à Montréal et avec une bourse Cottrell!

Nouvelle recrue de prestige de l’Université de Montréal, Normand Mousseau terminait sa troisième année comme professeur à l’Université d’Ohio lorsqu’il s’est joint à l’équipe du Département de physique en mai dernier.

«La situation des universités canadiennes s’est considérablement améliorée au cours des dernières années, souligne-t-il. Les infrastructures de recherche sont d’avant-garde, notamment grâce à la Fondation canadienne pour l’innovation, et nous pouvons faire de la recherche à moindres frais qu’aux États-Unis.»

Au moment où il entrait en fonction à l’UdeM, il recevait le prix Cottrell Scholars, d’une valeur de 75 000 $US, afin de poursuivre ses travaux en nanosciences. Cette bourse, décernée par la Research Corporation et considérée comme l’une des plus prestigieuses en sciences pures, est attribuée à des professeurs- chercheurs américains et canadiens qui travaillent dans les domaines de l’astronomie, de la physique et de la chimie. Elle vise notamment à encourager les liens entre enseignement et recherche.

Le projet d’élaboration d’algorithmes présenté par Normand Mousseau s’est classé parmi les meilleurs des 104 projets reçus par la Research Corporation.

Le professeur réservera sa bourse à l’engagement d’un chercheur postdoctoral et à l’achat de matériel en vue d’effectuer des démonstrations de sa discipline dans les cégeps et les écoles secondaires.

D.B.

Nano-Québec injecte 10 M$ dans la recherche

«La récente création de Nano-Québec permettra à l’Université de Montréal et à ses partenaires institutionnels de placer le Québec en bonne position dans les domaines stratégiques des nanosciences et des nanotechnologies», estime le vice-recteur à la recherche, Alain Caillé.

C’est en fait à une initiative de M. Caillé qu’on doit la mise en place de cet organisme dont le but est de soutenir et de promouvoir la recherche en nanosciences et de mettre en réseau la trentaine de spécialistes de cette discipline, répartis dans six établissements universitaires (l’UdeM, l’École Polytechnique, les universités McGill et Laval, l’INRS-Énergie et matériaux et l’Université de Sherbrooke).

«Le réseau dispose maintenant d’un montant de 10 M$, versés par Valorisation-recherche Québec et devant être consacrés exclusivement à la recherche», souligne le directeur scientifique du réseau, Robert Cochrane, professeur au Département de physique. En juin dernier, le Conseil de la science et de la technologie recommandait en outre la création d’un institut interuniversitaire de calibre international qui disposerait d’un fonds de 100 M$ en immobilisations et en équipements.

D.B.



 
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