Édition du 29 octobre 2001 / Volume 36, numéro 9
 
  Quels effets auront les fusions municipales sur les relations ethniques ?
Les transformations en cours pourraient cacher un effritement du pluralisme structurel.

Dans l’ordre habituel, Sébastien Arcand, Danielle Juteau, Francine Lemire et Sirma Bilge

À partir du 1er janvier prochain, plus rien ne sera comme avant sur l’île de Montréal, où l’on ne retrouvera plus qu’une seule grande ville au lieu des 26 municipalités actuelles. Alors que des opposants à ces fusions envisagent de porter la cause devant la Cour suprême, les chercheurs de la Chaire en relations ethniques se préoccupent quant à eux des répercussions que cette restructuration pourrait avoir sur les relations entre les anglophones et les francophones de l’île.

«Ce projet de fusions permet d’étudier à la fois l’évolution du pluralisme structurel et les transformations qui peuvent s’ensuivre dans les relations ethniques», souligne Danielle Juteau, titulaire de la Chaire et professeure au Département de sociologie.

L’étude de Mme Juteau vise en fait à vérifier si les fusions municipales accentueront l’effritement du pluralisme structurel amorcé avec la Révolution tranquille. À ce moment, le gouvernement du Québec est devenu l’État du Québec et il est passé d’une politique d’assimilation à l’endroit des immigrants à une politique ouverte au pluralisme. La même chose s’est passée au fédéral, où l’on a commencé à parler de mosaïque culturelle.

«Avant ce tournant, les anglophones et les francophones avaient le contrôle de leurs institutions sociales, comme les écoles, les hôpitaux et les réseaux d’entraide. On observait alors un dédoublement d’établissements analogues et non complémentaires. Puis, l’État a pris en charge la diversité ethnique et culturelle en adaptant ses mesures, ses services sociaux, ses écoles à cette diversité. Mais cette approche du pluralisme a entraîné en même temps un effritement du pluralisme structurel», soutient Danielle Juteau.

Les fusions municipales pourraient aller dans le même sens que ce mouvement centralisateur amorcé dans les années 60. «Parmi les opposants aux fusions, plusieurs affirment qu’ils vont perdre le contrôle de certains aspects de leur vie collective, actuellement structurée autour de la municipalité.»

Ceci est notamment invoqué par les opposants anglophones, qui font référence à leur origine britannique dans le débat actuel et pour qui l’instance municipale joue un rôle important dans l’identité. Cette identité propre s’incarne entre autres dans la participation à des organismes locaux, soit de loisirs, de culture ou de bienfaisance. L’une des questions que veut aborder la recherche de Danielle Juteau est l’effet de la restructuration sur cet engagement local.

«Nous voulons voir si les fusions peuvent changer l’administration d’une collectivité. Quels seront les pouvoirs réels des arrondissements par rapport aux pouvoirs aujourd’hui dévolus aux municipalités? Quel effet la perte du pouvoir de taxation aura-t-elle sur la participation aux structures d’arrondissement? Yaura-t-il modification de l’identité des Canadiens anglais, des Québécois, des immigrants? Les frontières linguistiques vont-elles évoluer?»

Si la restructuration entraînait un effritement du pluralisme structurel et de l’identité collective, cette désagrégation pourrait toucher davantage la communauté anglophone, qui voit dans la municipalité un lieu où elle peut exercer un pouvoir politique. L’équipe de Mme Juteau tentera de mesurer ces effets dans des environnements à compositions ethniques et linguistiques différentes, soit dans des zones anglophones, francophones ou pluralistes.

Malgré la complexité d’une telle analyse, des données devraient être disponibles en mai 2002. Trois agents de recherche du Centre d’études ethniques des universités montréalaises travaillent au projet, soit Sébastien Arcand, Sirma Bilge et Francine Lemire. Collabore également à cette recherche Richard Bourhis, titulaire de la chaire Concordia-UQAM en études ethniques.

Daniel Baril



 
Archives | Communiqués | Pour nous joindre | Calendrier des événements
Université de Montréal, Direction des communications