Édition du 11 février 2002 / Volume 36, numéro 20
 
  Que reste-t-il de Possibles?
Pour ses 25 ans, la revue Possibles dresse un bilan et organise un colloque sur la nécessité de refonder la société québécoise.

Gabriel Gagnon, un des fondateurs de la revue Possibles, en appelle au regroupement des forces progressistes contre la rationalité économique et la pensée unique.

C’était au temps de Tricofil et tout paraissait possible. La souveraineté était inéluctable, le socialisme paraissait réalisable, et rien ne semblait pouvoir arrêter la vague culturelle qui montait.

C’est dans cet optimisme du milieu des années 70 que deux universitaires — Marcel Rioux et Gabriel Gagnon — et quatre poètes — Roland Giguère, Gérald Godin, Gilles Hénault et Gaston Miron — ont jeté les bases de la revue de sociologie et de culture critique Possibles, qui fête cette année ses 25 ans.

«Le projet était de créer une revue autogérée par un comité de rédaction et dont le contenu s’articulerait autour de trois thèmes: la souveraineté, le socialisme autogéré et la culture comme moyen d’émancipation, relate Gabriel Gagnon, aujourd’hui professeur retraité du Département de sociologie. Les textes devaient aussi être critiques et éviter l’ésotérisme afin d’être compréhensibles par tous.»

Une des caractéristiques de la revue est de relier le politique et le culturel, une orientation qui pose toutefois des problèmes de financement. «Le Conseil des arts du Canada considère que la revue est politique alors que certains membres du Conseil des arts et des lettres du Québec voient l’essai sociologique comme une forme inférieure de création», déplore Gabriel Gagnon.

À raison de quatre parutions par année, le collectif d’une dizaine de personnes a tout de même réussi à tenir la route et à produire 86 numéros, dont plusieurs numéros doubles. Chaque parution repose sur la collaboration d’une dizaine d’auteurs, écrivains et artistes, et porte sur un thème particulier. Plusieurs lancements ont été accompagnés de débats publics sur le propos du numéro, et le collectif a également organisé quatre colloques qui ont pris le nom de «colloque Marcel-Rioux».

Bilan et perspective

Le numéro actuel a pour sujet «Refonder la société québécoise». Gabriel Gagnon, qui en a dirigé l’édition, signe un éditorial où il fait le point sur le projet qui animait le groupe à l’origine.

La souveraineté n’est sûrement plus inéluctable, les mesures sociales progressistes ont fondu devant l’obsession de l’équilibre budgétaire, les organismes d’économie sociale ont perdu leur sens critique, le syndicalisme est devenu une institution plutôt qu’un mouvement social et une dictature de la rationalité économique s’est installée avec son courant de pensée unique, écrit en substance Gabriel Gagnon. Quant au Parti québécois, il a dilapidé son héritage social-démocrate au profit du néolibéralisme.

L’optimisme du départ en prend donc un coup! Mais le défaitisme n’est pas de mise: le professeur en appelle plutôt au regroupement des forces progressistes afin de donner une voix crédible à la gauche traditionnelle.

Dans ce même numéro de Possibles, on pourra lire, entre autres, des extraits des mémoires de Jacques Brossard, professeur honoraire de la Faculté de droit, une analyse du mouvement syndical par Mona-Josée Gagnon, professeure au Département de sociologie, une prospective sur l’université du 21e siècle par Guy Rocher, professeur à l’Institut de recherche en droit public, et un bilan du nationalisme québécois par Jules-Pascal Venne, chargé de cours à l’UdeM.

Colloque Marcel-Rioux

Le collectif de la revue a par ailleurs voulu souligner ce 25e anniversaire en organisant le quatrième colloque Marcel-Rioux, qui se déroulera le 15 février en après-midi. «Nous voulons faire le point afin de savoir où s’en va la société québécoise, sur les plans à la fois politique et culturel, précise Gabriel Gagnon. Est-il encore possible de se doter de mesures culturelles d’émancipation? La société civile peut-elle produire de nouvelles façons de faire de la politique? Peut-on inventer un nouvel imaginaire qui permette de voir la société sous l’angle de la solidarité plutôt qu’en fonction du commerce et de l’exclusion?»

Une dizaine de professeurs, écrivains et militants politiques, regroupés en deux tables rondes, tenteront de répondre à ces questions. Outre Arnaud Sales, directeur du Département de sociologie, qui ouvrira le colloque, on note parmi les conférenciers Pierre Hamel, professeur au même département, Diane Pacom, professeure de sociologie à l’Université d’Ottawa, Jacques Pelletier, professeur d’histoire à l’UQAM, Paul Cliche, de l’Union des forces progressistes, et Marcel Sévigny, ex-conseiller municipal.

Le colloque aura lieu à la maison de la culture Côte-des-Neiges.

Daniel Baril



 
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