Édition du 18 mars 2002 / Volume 36, numéro 24
 
  Archives
Alice Parizeau: une grande humaniste

Le fonds qui porte son nom en témoigne.

Les archives d’Alice Poznanska-Parizeau ont été déposées à l’Université de Montréal l’an dernier. Nous la voyons ici au lancement d’un de ses premiers livres.

«Alice Poznanska-Parizeau, née en Pologne d’une mère très belle et d’un père très amoureux, élevée dans le maquis, éduquée en France, adoptée par le Québec, a fait plusieurs métiers», écrivait Alice Parizeau à propos d’elle-même. Chercheuse universitaire, journaliste, militante en faveur des droits de la personne, «officier de réhabilitation» au Service du bien-être social de la Ville de Montréal, c’est surtout comme romancière qu’elle s’est fait connaître. Les lilas fleurissent à Varsovie a été son roman le plus célébré.

Onze ans après son décès, le 30 septembre 1990, l’ancien premier ministre du Québec, Jacques Parizeau, a fait don de ses archives à l’Université de Montréal. Conservé depuis à la Division des archives, le fonds Alice-Parizeau comprend 7,09 m linéaires de documents textuels, une carte géographique et cinq photographies. L’ensemble de ces documents couvrent 45 des 60 années d’existence de cette humaniste dont Bruno Roy a dit: «Nous n’ignorons pas que sa vie fut faite contre la première blessure de son enfance et son œuvre contre toute injustice sociale.»

Le fonds contient des manuscrits divers, témoignant de ses différents métiers et de son rôle, presque inconnu du grand public, de chercheuse au Centre international de criminologie comparée (CICC).
 
1927, 1928 ou 1930?
Un mystère entoure encore sa date de naissance. Alice Poznanska a toujours indiquée dans son curriculum vitæ être née le 25 juillet 1930. Cependant, certains documents portent une date différente. Des cartes d’identité indiquent qu’elle est née le 25 juillet 1927, d’autres en 1928. Cette dernière date est d’ailleurs reprise par Pierre Duchesne dans le livre consacré à Jacques Parizeau, Jacques Parizeau, le croisé (p. 506).

Alice Poznanska a subi les affres de la Deuxième Guerre mondiale. Son père, autrefois un riche industriel, n’a pas survécu à sa déportation dans un camp de la mort. Avec sa mère, l’adolescente se met au service de la résistance. Sa mère meurt au cours de cette période et Alice est faite prisonnière de guerre à Bergen-Belsen (Allemagne) après l’insurrection de Varsovie. Cet épisode lui vaudra d’être décorée de la Croix de guerre après la Libération. Après ces événements, elle se rendra étudier à Paris. Elle émigrera au Québec en 1955.

«On ne perd pas son pays en le quittant mais en cessant de l’aimer», se plaisait à répéter Alice Parizeau. Son roman Les lilas fleurissent à Varsovie en constitue un témoignage. L’amour de Mme Parizeau pour sa patrie lui a aussi inspiré une pièce de théâtre inédite, Les noces polonaises, dont le manuscrit figure dans les archives.

Le fonds contient plusieurs documents sur la Pologne (dossiers sur le syndicat Solidarnosc et sur les hôpitaux polonais, coupures de presse de journaux polonais, extraits de livres) ainsi qu’une volumineuse correspondance.

Mme Parizeau était aussi très sensible à sa terre d’accueil. En 1984, elle convaincra le recteur de l’Université de Varsovie de créer un centre d’études québécoises pour diffuser la littérature québécoise.
 
Écrivaine, journaliste et chercheuse
L’œuvre littéraire d’Alice Parizeau débute en 1962 avec Voyage en Pologne et se termine avec Une femme, son autobiographie posthume (1991). Le fonds n’est pas complet (nulle trace manuscrite du Voyage en Pologne par exemple), mais on trouve un certain nombre de textes qui n’ont jamais été publiés ou qui sont restés à l’état de projet. Quelques titres: La grande aventure, Histoire de la famille Steinberg et Octobre 70. Ces trésors cachés n’attendent que les chercheurs.

Autre aspect intéressant pour la recherche: son abondante correspondance avec ses éditeurs: Pierre Tisseyre, Leméac, Hurtubise.

Dans une entrevue qu’elle accordait à Anne Richer de La Presse en 1975, elle indiquait que sa deuxième passion était le journalisme. Mais en 1967, le président de la Commission royale d’enquête sur l’administration de la justice en matière criminelle et pénale au Québec lui avait demandé de participer à ses travaux. Après deux années de recherche, elle publiait une étude comparative de 650 pages sur la délinquance juvénile en Suède, en France, en Angleterre et au Québec.

L’ayant vu travailler à cette commission, le directeur du CICC, Denis Szabo, l’invite à se joindre au tout nouveau groupe de recherche en 1969. L’Université de Montréal reconnaît son mérite et lui attribue, la même année, le titre de chercheuse titulaire. Alice Parizeau, qui s’intéresse au sort des enfants démunis, sera secrétaire du Centre jusqu’à 1981. Elle publiera de nombreux articles et ouvrages sur la situation de la justice et de la criminalité.

À cette époque, elle reprend contact avec son pays d’origine. L’Université de Varsovie et l’Université de Montréal organiseront congrès et colloques. Alice Parizeau participe activement à ces activités et prend en charge des étudiants polonais qui séjournent à Montréal.

Même si elle a partagé pendant 35 ans la vie d’un homme public, ses archives «politiques» sont assez minces. Quelques dossiers sur le Parti québécois, une visite de Raymond Barre en 1979, une réception du ministre des Finances en 1977 et sa participation au Comité d’aide aux détenus en vertu de la Loi sur les mesures de guerre au cours de la crise d’Octobre, en 1970.

Un événement politique aura toutefois marqué sa carrière: en 1988, elle reçoit l’Ordre du Canada. Les journaux ont largement fait état de la polémique au sujet de cette femme d’un indépendantiste, elle-même en faveur de la séparation du Québec, qui acceptait un honneur fédéral.

Le dernier livre d’Alice Parizeau a été écrit dans la douleur, la souffrance des derniers moments. Ses archives racontent par bribes cette aventure. Les documents ne disent pas tout, bien entendu. Il faut pourtant s’y référer pour pouvoir retracer avec authenticité l’évolution constante de l’œuvre. Voilà le rôle d’un fonds d’archives comme valeur de témoignage.

Denis Plante
Archiviste

Sources: fonds Alice-Parizeau (P315); «Alice Poznanska-Parizeau: femme de tous les combats», actes de la table ronde tenue en octobre 1994 à l’Université de Montréal; Bruno Roy, «Contre l’indifférence du monde», Les adieux du Québec à Alice Parizeau, Montréal, Guérin, 1991; Le Devoir, La Presse, revue Criminologie.

La rédaction de cette chronique a été rendue possible par la consultation des archives de l’Université de Montréal. Aidez-nous à constituer cette mémoire institutionnelle au moyen des programmes de gestion des documents mis en place par la Division des archives. Renseignements: www.archiv.umontreal.ca.


 
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