Édition du 21 octobre 2002 / Volume 37, numéro 8
 
  Activités de développement
Création du Fonds Paul-Zumthor - La FEP, la FAS et L’école d’été

 

Paul-Zumthor

Création du Fonds Paul-Zumthor

À l’occasion de la création du Fonds Paul-Zumthor, dont l’annonce officielle a été faite le 9 octobre, Serge Lusignan nous a fait parvenir ce texte qui rappelle la carrière de cet éminent médiéviste.

Le Fonds Paul-Zumthor a pour mission de soutenir le développement des études littéraires et la rencontre des idées dans l’esprit qui anima les travaux de Paul Zumthor. Né à Genève en 1915, celui-ci poursuivit à Paris des études universitaires couronnées par une brillante thèse qui, aujourd’hui encore, demeure un livre de référence: Merlin le prophète: un thème de la littérature polémique de l’historiographie et des romans (1943).

 Après avoir dirigé pendant 20 ans l’Institut des langues et littératures romanes de l’Université d’Amsterdam, il devint en 1968 professeur à la bouillonnante université parisienne de Vincennes. Après un détour par l’Université Yale, il accepta en 1972 un poste à l’Université de Montréal, qu’il occupa jusqu’à sa retraite, en 1980. Il résida à Montréal jusqu’à son décès, survenu en 1995.

De son œuvre érudite et imposante (24 livres, dont plusieurs réimprimés ou réédités, la plupart traduits en diverses langues), on retient ce trait fondamental, déterminant ce que nous appelons l’esprit Paul Zumthor: la quête du sens de l’homme contemporain passe par un dialogue entre les civilisations, soutenu par les enquêtes historiques et ethnologiques.

Paul Zumthor fut avant tout médiéviste. Il découvrit la civilisation médiévale à l’occasion d’un cours d’histoire du droit, mais ce fut par des études littéraires qu’il se consacra à son étude. Il caractérisait le Moyen Âge comme une civilisation dont nous sommes les héritiers immédiats, mais de laquelle nous sommes définitivement coupés. Cette période s’offrait à lui comme une altérité à reconstituer indéfiniment parce que jamais définitivement saisie. Le défi est d’autant plus stimulant, ajoutait-il, que le Moyen Âge constitue peut-être le dernier moment de la civilisation occidentale qu’on peut saisir dans sa globalité. Cette volonté de scruter le sens global des choses s’imposa à lui dès sa thèse. Merlin se retrouve partout, dans des textes écrits dans toutes les langues médiévales.

Après son Histoire littéraire de la France médiévale (VIe-XIVe s.), qui n’a jamais été remplacée (1954), et une première réflexion sur les Langue et technique poétiques à l’époque romane (XI-XIIIe s.) (1963), Paul Zumthor publia son monumental Essai de poétique médiévale (1972), prolongé par Langue, texte, énigme (1975), qui révolutionna l’approche de la littérature médiévale en promouvant une nouvelle lecture des textes à la lumière des théories critiques modernes. Cette voie actualisait pour lui le dialogue toujours à reprendre entre les cultures. Dans Le masque et la lumière (1978), il appliqua ses méthodes au corpus des grands rhétoriqueurs, ces poètes de cour de l’extrême fin du Moyen Âge. Il aimait dire qu’un livre a une espérance de vie d’une vingtaine d’années, ce que dément dans son cas la réédition de son Essai de poétique médiévale, en 2000, dans la collection «Points du Seuil».

Par la suite, Paul Zumthor se pencha sur cette spécificité des textes médiévaux d’émerger d’une culture dominée par l’oralité. Ne fallait-il pas revoir nos outils critiques élaborés pour la compréhension d’une esthétique littéraire du texte? Pour ce faire, il se livra à de longues enquêtes sur le terrain, à la manière d’un ethnologue, auprès des conteurs de villages, qu’il alla rencontrer en Afrique, au Brésil, voire au Japon. Il élabora une poétique générale de la littérature orale dans son Introduction à la poésie orale (1983), qu’il appliqua ensuite à un vaste corpus de textes médiévaux dans La poésie et la voix dans la civilisation médiévale (1984) et dans La lettre et la voix ou De la «littérature» médiévale (1987). Avec la notion centrale de «vocalité», il rompait avec le point de vue européen sur le fait littéraire tout en élargissant son champ à l’ensemble du Moyen Âge occidental.

Paul Zumthor nous a livré son ultime message dans deux derniers ouvrages. Dépassant les cadres de la littérature, il a interrogé toutes les formes d’expression culturelle, textes et images, pour tenter de saisir ce que fut pour le Moyen Âge l’un des grands concepts définitoires de toute civilisation: l’espace. Dans La mesure du monde: représentation de l’espace au Moyen Âge (1993), il a montré comment la conception de l’espace selon les trois dimensions au centre desquelles se situe le sujet observateur fut l’une des grandes conquêtes de la culture médiévale.

Une fois de plus, il illustrait que le sens de l’enquête historique reste la compréhension de sa propre identité. Mais cette tâche, toujours à reprendre, demeure à jamais inachevée à l’image de la tour de Babel. C’est le message ultime de son dernier livre, qu’il terminait au moment de son décès, Babel ou l’inachèvement (1997).

Le Fonds se donne pour objectif de faire vivre l’esprit qui anima Paul Zumthor dans ses travaux scientifiques et dans une activité créatrice (15 titres de romans, nouvelles, recueils de poèmes) qui a constamment accompagné la production érudite comme son envers inséparable. Cet esprit se résume peut-être au mieux par ce mot paradoxalement programmatique d’inachèvement, «que je comprends, écrivait-il, de façon, pour ainsi dire, dynamique, comme un processus plus que comme une fin absolue. Il est clair que cela rejoint la pensée de la mort en même temps qu’une grande confiance dans la fécondité de l’histoire» (carnets inédits).

Le Fonds entend faire de cet inachèvement constitutif son projet propre, par l’organisation, tous les trois ans, en collaboration avec une université étrangère, des Rencontres internationales Paul-Zumthor. Ces rencontres se définiront comme un lieu d’échanges et de discussions entre spécialistes afin de favoriser le renouvellement des études dans les lettres et les sciences humaines.

Serge Lusignan
Professeur titulaire Département d’histoire
Vice-président du Fonds Paul-Zumthor


 

De gauche à droite : Michel D. Laurier, doyen de la Faculté des sciences de l'éducation ; Joseph Hubert, doyen de la Faculté des arts et des sciences ; Tomas Axworthy, directeur général de la Fondation Historica ; Claude Morin, directeur du Département d'histoire ; et Olivier Hubert, professeur adjoint au Département d'histoire. 

La FEP, la FAS et L’école d’été

La Fondation Historica a lancé L’école d’été, un programme de perfectionnement professionnel à l’intention des professeurs d’histoire du primaire et du secondaire. À cette occasion, Thomas Axworthy, le directeur général de la Fondation, a tenu à souligner la participation de la Faculté des sciences de l’éducation et de la Faculté des arts et des sciences de l’UdeM aux projets éducatifs de l’organisme. Grâce à L’école d’été de la Fondation Historica, des enseignants des niveaux primaire et secondaire explorent de nouvelles perspectives sur l’histoire canadienne et des ressources éducatives qui permettent de rendre l’enseignement de l’histoire plus vivant que jamais.



 
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