Édition du 15 septembre 2003 / volume 38, numéro 4
 
  Le cri d’alarme de l’écosociologie
De la contestation écologique aux défis de la gouvernance.

Jean-Guy Vaillancourt 

Action contestataire à ses débuts, la préoccupation environnementale a aujourd’hui atteint le stade de l’institutionnalisation. Présente dans toutes

les sphères de la société, elle a même donné naissance à une sous-discipline de la sociologie: la sociologie de l’environnement.

Dans un volume publié récemment aux Presses de l’Université de Montréal, Développement durable et participation publique, dirigé par Jean-Guy Vaillancourt, professeur au Département de sociologie, et Corinne Gendron, de l’UQAM, un groupe de 24 chercheurs font le point sur les grandes questions environnementales de l’heure avec en arrière-fond la problématique de la mondialisation: développement durable, changements climatiques, politique de l’eau, traités internationaux, politiques canadiennes, attitudes et comportements, etc.

Le professeur Vaillancourt consacre un chapitre à la courte histoire de la sociologie de l’environnement dans laquelle il distingue trois étapes. On lui doit la création du terme «écosociologie» pour désigner la plus récente de ces étapes, qui se caractérise par la prise en compte des aspects globaux des problèmes environnementaux, tant sur le plan économique que sur celui des écosystèmes.

L’écosociologie a en fait pris forme à la fin des années 80, à la faveur de la conscientisation populaire à l’égard des problèmes environnementaux comme le réchauffement climatique, l’amincissement de la couche d’ozone, l’appauvrissement de la biodiversité, l’explosion démographique, le sous-développement, les catastrophes écologiques ou encore l’insouciance gouvernementale des États-Unis. Autant de «cris d’alarme» qui ont indiqué aux sociologues de l’environnement qu’une nouvelle phase venait de débuter.

Le rôle des ONG

Corinne Gendron et Jean-Guy Vaillancourt (dir.), Développement durable et participation publique: de la contestation écologique aux défis de la gouvernance, Presses de l’Université de Montréal, 2003, 361 p.

Jean-Guy Vaillancourt, qui a participé aux sommets de la terre de Rio et de Johannesburg comme membre de l’Union québécoise pour le développement durable, présente aussi une analyse du rôle des organisations non gouvernementales (ONG) dans l’élaboration des traités internationaux sur les questions environnementales.

«La croyance populaire qui veut que les prises de position des ONG sur les changements climatiques soient farfelues et non fondées sur des études scientifiques est tout à fait erronée», écrit-il dans un chapitre cosigné par Steven Guilbault. La délégation de Greenpeace à la conférence de La Haye en novembre 2000, par exemple, était notamment composée de physiciens, de chimistes, de biologistes, de sociologues et d’économistes.

Selon les deux auteurs, le regroupement des ONG au sein du Réseau d’action face aux changements climatiques (Climate Action Network), qui rassemble des organismes tels Greenpeace, le Fonds mondial pour la nature (WWF) ou les Amis de la Terre, assure la vulgarisation et la diffusion de l’information permettant aux groupes participants de mieux comprendre des enjeux parfois forts complexes et d’adopter des positions éclairées.

Le rôle de tels intervenants ne se limite pas aux sommets parallèles. Au cours des rencontres internationales, les renseignements privilégiés du Réseau sont transmis aux délégations officielles, ce qui est d’importance capitale pour les pays dont le nombre de délégués est petit. Greenpeace collaborerait entre autres étroitement avec le Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat, un groupe de scientifiques des Nations Unies.

Jean-Guy Vaillancourt et Steven Guilbault déplorent par ailleurs le manque de détermination, de la part du Canada, dans l’atteinte des objectifs du protocole de Kyoto (réduire de 6 % les gaz à effet de serre [GES] par rapport au taux d’émission de 1990). Ils mettent notamment en doute la volonté du gouvernement d’inclure le nucléaire dans le principe de «développement propre».

L’argument du Canada est que l’énergie nucléaire ne produit pas de GES. Mais, selon un scénario dans lequel 46 % de l’énergie mondiale serait produite à partir du nucléaire, nous serions aux prises avec 3,3 millions de tonnes de déchets nucléaires. La sécurité à l’échelle planétaire serait, à leur avis, fortement menacée.

L’insouciance des politiciens à l’égard des questions environnementales leur paraît inexcusable face au cri d’alarme lancé par les scientifiques. Au lieu de chercher à négocier à la baisse les accords de Kyoto, il faudrait plutôt imiter des pays comme le Danemark, qui s’est engagé à réduire de 50 % ses émissions de GES au cours des 30 prochaines années.

La conclusion de l’ouvrage revient à Pierre Hamel, professeur au Département de sociologie: il analyse les conséquences que les études de ce volume peuvent avoir sur le concept de gouvernance et souhaite que les décisions dépassent les formes traditionnelles d’intervention des pouvoirs publics.

Daniel Baril



 
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