Bulletin sur les recherches à l'Université de Montréal
 
Volume 5 - numéro 1 - octobre 2005
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Kinésiologie

Que le meilleur (dopé) gagne !

Plus tolérants que les instances internationales en matière de dopage, au moins la moitié des Québécois (57 %) accepteraient d’autoriser certaines substances aujourd’hui mises à l’index par l’Agence mondiale antidopage (AMA). C’est ce qui ressort d’un sondage réalisé par Suzanne Laberge, professeure au Département de kinésiologie de l’Université de Montréal. Mme Laberge rend publics cet automne les résultats d’une enquête menée au Québec auprès de 1006 personnes en juillet 2004, quelques semaines avant les Jeux olympiques d’Athènes. Première du genre, l’étude a sondé l’âme des Québécois afin de connaitre leur avis sur la lutte au dopage dans les sports. « La plupart des études se concentrent sur les athlètes. C’est la première fois qu’on tâte le pouls de l’opinion publique d’une manière scientifique », affirme la chercheuse.

Quoique 87 % des gens refusent que les athlètes consomment des substances interdites, l’étude révèle deux courants opposés. Face aux conservateurs partisans de la règlementation actuelle, la moitié des répondants s’interrogent sur le statut de plusieurs produits qui ne sont pas nocifs pour la santé. Des médicaments comme le Tylenol fort par exemple, voire les bronchodilatateurs efficaces contre l’asthme, trouveraient grâce aux yeux des Québécois, sinon à ceux de l’AMA.

Le public se prononce également sur les avancées du côté du dopage génétique, qui consiste en l’insertion d’un gène de fabrication d’une protéine dans le but d’améliorer les performances musculaires d’un athlète. Ce sujet controversé a fait l’objet de questions précises dans le sondage de Suzanne Laberge. Plus difficile à déceler, cette technique à l’étude est étroitement surveillée. Là encore, la population a surpris la sociologue : plus de la moitié est d’accord pour appliquer ces découvertes au sport. En outre, 42 % des gens ne considèrent pas vraiment l’utilisation de la génétique comme du dopage, même s’ils reconnaissent qu’elle peut améliorer les performances des sportifs. « Je vois dans ces résultats une ouverture du public sur cette question, dit la chercheuse. Les mentalités évoluent comme elles ont évolué pour d’autres questions sociales qui suscitent un débat, entre autres l’emploi des cellules souches. »

Par ailleurs, les Québécois doutent qu’il soit possible de battre des records olympiques sans utiliser de substances dopantes et 47 % d’entre eux pensent que plus de la moitié des athlètes ont recours aux produits illicites. En outre, la majorité de la population (60 %) juge les tests antidopage inefficaces pour dissuader les sportifs de se doper. « Moins de 1 % des tests effectués sur des athlètes canadiens entre 1996 et 2001 se sont avérés positifs », soutient la spécialiste. Sur la scène internationale, l’AMA, dont le siège est à Montréal, a recensé 1,7 % d’analyses anormales en 2004. Malgré leurs réticences, près de 9 répondants sur 10 souhaitent toutefois que les tests antidopage soient poursuivis.

Selon Suzanne Laberge, le public rêve d’une image encore pure du sport. On aimerait bien que le meilleur gagne sans aide pharmacologique, mais on n'y croit pas vraiment. « Beaucoup se heurtent à la réalité, explique la chercheuse. Ils acquièrent alors une morale pragmatique plus libérale. Cependant, les tests valident une éthique sportive importante aux yeux du public. » En revanche, la majorité de l’opinion (64,8 %) est partisane d’une suspension d’au moins deux ans pour les athlètes pris en flagrant délit – et même d’une exclusion à vie, selon un tiers des répondants. Après que des négociations ardues entre fédérations sportives ont eu lieu, l’AMA a préconisé deux ans pour une première faute. « Il ne se dessine pas de tendance centrale sur la question du dopage, signale la sociologue. La population québécoise est partagée et, sans aucun doute, ceci influence les athlètes. »

Le projet de Mme Laberge est de faire un tour d’horizon des différents acteurs concernés par le dopage. Pour remplir sa mission, elle s’est associée à l’Université de Montpellier, en France, dont les chercheurs mènent d’autres volets de l’étude. L’histoire du dopage et l’opinion des athlètes handicapés viendront compléter les recherches de la sociologue québécoise.

 

Chercheuse :

Suzanne Laberge

Courriel :

Suzanne.Laberge@umontreal.ca

Téléphone :

(514) 343-7934

Financement :

Ministère de l’Éducation, du Loisir et du Sport



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