Bulletin sur les recherches à l'Université de Montréal
 
Volume 5 - numÉro 2 - FÉvrier 2006
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Sciences politiques

Un taux d’abstention record ? « C’est la faute des politiciens ! »

L’élection fédérale du 23 janvier 2006 pourrait passer à l’histoire avec un taux d’abstention qui n’aura jamais été aussi élevé depuis les débuts de la Confédération. Si l’on a reproché au gouvernement d’avoir établi la date du vote en plein hiver, la température n’explique pas que la participation aux élections soit en chute libre depuis 25 ans. Alors que 75 % des électeurs inscrits se déplaçaient pour aller voter dans les années 80, ils ne sont plus que 6 sur 10 à le faire au tournant du millénaire.

Pourquoi un tel je-m’en-foutisme dans un système politique basé sur la liberté d’expression et le suffrage universel ? « C’est la faute des politiciens », répond Sébastien Dubé, étudiant en science politique de l’Université de Montréal qui consacre son doctorat à l’instabilité politique et l’abstentionnisme dans les sociétés occidentales. Selon lui, les élus interprètent mal les désirs de la population et entravent l’exercice de la démocratie. « L’offre de partis et le comportement de certains politiciens donnent à plusieurs de bonnes raisons de ne pas aller voter », lance-t-il.

Cela dit, il s’étonne que le cynisme ambiant et des scandales de l’ampleur de l’affaire des commandites n’aient pas nui encore plus sévèrement à l’exercice démocratique. « On peut être surpris que les deux tiers des gens votent quand même. C’est la preuve qu’il y a de l’espoir », affirme-t-il.

Y a-t-il un portrait type du désabusé politique qui s’abstient ? « Plus on est intégré dans son milieu, plus on est nombreux à voter, fait remarquer le spécialiste. Cela signifie que les personnes âgées et les gens qui habitent le même endroit depuis longtemps, par exemple, votent en plus grand nombre que les jeunes, toutes proportions gardées. Peu de différences sont notées entre les hommes et les femmes. »
Mais l’abstentionnisme peut apparaitre de façon conjoncturelle. Le doctorant donne l’exemple d’un fédéraliste homosexuel de droite choqué par l’affaire des commandites. Quel grand parti aura sa faveur ? Le Parti conservateur s’oppose au mariage gai ; le Bloc québécois défend la souveraineté du Québec ; le Nouveau Parti démocratique embrasse des idées de gauche ; et le Parti libéral est responsable d’un des plus gros scandales politiques de l’histoire canadienne. On peut parier que notre électeur restera chez lui le 23 janvier.

Si les autorités politiques voulaient vraiment augmenter le taux de participation aux élections, ce ne sont pas les solutions qui manqueraient. Rendre le mode de scrutin plus proportionnel, c’est-à-dire plus représentatif des différents courants de pensée dans la société, ferait sans doute grimper le taux de participation. « En Argentine, le vote est obligatoire, ajoute Sébastien Dubé. Cela ne veut pas dire que tout le monde approuve le système. Jusqu’à 30 % des gens annulent leur vote directement sur le bulletin. » Le scrutin électronique pourrait aussi être une façon d’inciter la population à voter. Si l’on peut effectuer des transactions bancaires par Internet, pourquoi ne pourrions-nous pas remplir un bulletin de vote ? « Il serait aussi possible d’ouvrir les bureaux de scrutin plus longtemps. Pourquoi s’en tient-on seulement à une journée de vote ? »

L’abstentionnisme croissant est observable partout en Occident, signale Sébastien Dubé. Ainsi, aux dernières élections parlementaires de la République française, le taux d’abstention a atteint 40 % ; aux présidentielles américaines, 33 % ; et 23 % aux élections espagnoles de 2002. « Et l’on ne parle que des électeurs inscrits, précise-t-il. Si l’on calcule le taux d’abstention à partir du nombre d’adultes ayant le droit de vote qui n’ont pas pris la peine de s’inscrire sur la liste électorale, le résultat est encore pire : près de 50 % des gens ne se rendent pas aux urnes au Canada et aux États-Unis. »


Chercheur :

Sébastien Dubé

Courriel :

sebastien.dube@umontreal.ca

Téléphone :

(514) 343-6111, poste 1-3799

Financement :

Conseil de recherches en sciences humaines du Canada, Institut d’études européennes




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