Bulletin sur les recherches à l'Université de Montréal
 
Volume 5 - numÉro 2 - FÉvrier 2006
 Sommaire de ce numéro
 English version
 Archives

Psychiatrie

Quand les états d’âme font cesser de battre le cœur

Le cœur et l’esprit sont intimement liés, car de 10 à 15 % des patients aux prises avec des problèmes cardiaques souffrent de dépression majeure et 30 % ont des symptômes dépressifs. Les spécialistes sont formels : plus on s’attaque à la dépression chez les cardiaques, plus on sauve des vies.

Mais quel moyen prendre pour soulager la souffrance psychologique : la médication ou la psychothérapie ? C’est l’énigme que cherche à résoudre une équipe de 10 chercheurs sous la direction du psychiatre François Lespérance, professeur à l’Université de Montréal et médecin au CHUM. « Chez une personne à tendance dépressive, l’annonce d’une maladie du cœur est souvent la goutte qui fait déborder le vase, explique-t-il. Pour traiter ou prévenir la dépression, la réaction la plus courante du médecin traitant consiste à prescrire un antidépresseur. Mais nous croyons que la solution pharmaceutique n’est pas toujours la plus indiquée. »

La recherche entamée à Montréal mais qui recrute des patients à Toronto, Kingston, Ottawa et Halifax a pour but d’évaluer l’efficacité d’un antidépresseur (le citalopram) et celle de la psychothérapie interpersonnelle par rapport à une condition témoin, et ce, pendant 12 semaines. Le citalopram sera comparé avec le placébo et la psychothérapie interpersonnelle avec des visites de type médical. « Il ne s’agit pas d’une psychothérapie qui s’attarde aux aspects relationnels des patients déprimés. C’est une approche qui les incite à sortir de leur isolement émotif. »

Le Dr Lespérance étudie depuis longtemps les effets cliniques de la dépression. En 1993, il avait étroitement collaboré à une recherche citée dans la célèbre revue de l’American Medical Association (JAMA) et qui concluait que la dépression influait sur le pronostic cardiaque. La personne dépressive en postinfarctus courait de trois à quatre fois plus de risques qu’une personne en santé de mourir dans les six mois suivants, révélait cet article maintes fois repris par la suite.

S’il ne craint pas d’approuver des approches alternatives de soins, le Dr Lespérance n’est pas pour autant un contestataire de la médecine moderne. « Vous savez, les antidépresseurs ont beaucoup fait progresser la psychiatrie et leur action ne cesse de s’améliorer. Mais il ne faut pas abandonner les autres méthodes thérapeutiques. N’oublions pas que de 40 à 50 % des patients ne répondent pas bien aux antidépresseurs, soit de 4 à 5 personnes sur 10. C’est énorme. On fait quoi avec ces gens-là ? »

La dépression est une maladie qui s’exprime par un ensemble de symptômes physiques et psychologiques, et elle est souvent liée à des facteurs interpersonnels, rappelle le médecin. « Ce serait formidable s’il existait une pilule pour transformer notre comportement, une pilule qui nous procurerait un bienfait équivalant à 20 minutes d’exercice, ironise-t-il. Comme ce n’est pas le cas, il faut donc se tourner vers des procédés qui peuvent modifier les comportements de façon durable. » On se doute bien que ce type de recherche n’intéresse pas tellement les compagnies pharmaceutiques. Sans les Instituts de recherche en santé du Canada, qui lui ont accordé 1,3 M$ sur quatre ans, cette étude de l’équipe du Dr Lespérance n’aurait pu voir le jour. Et si les 280 patients prévus dans le protocole forment une cohorte significative, le chercheur rêve de refaire l’expérience dans toute l’Amérique du Nord, sur des milliers de sujets.


Chercheur :

François Lespérance

Courriel :

francois.lesperance@umontreal.ca

Téléphone :

(514) 890-8120

Financement :

Instituts de recherche en santé du Canada


Ce site a été optimisé pour les fureteurs Microsoft Internet Explorer, version 6.0 et ultérieures, et Netscape, version 6.0 et ultérieures.