Bulletin sur les recherches à l'Université de Montréal
 
Volume 5 - numÉro 2 - FÉvrier 2006
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Informatique

Sels de déglaçage : l’intelligence dans la rue

On annonce de légères chutes de neige au cours des prochaines heures sur les routes des Cantons-de-l'Est. Il fait –11 °C, mais les thermomètres dans la chaussée rapportent des températures de –15 °C à –13 °C pour le bitume. Yves Fournaise, contremaitre au Centre de service de Richmond, doit prendre une décision rapidement quant au choix des abrasifs à épandre sur le réseau routier : du sel, du sable ou du calcium ? « Aujourd’hui, on a opté pour un mélange de deux parties de sable pour une partie de sel », dit-il.

Jusqu’à maintenant, ce calcul s’est toujours fait « à la mitaine », en se référant à une charte qui tient sur une page et l’expérience de l’équipe compte pour beaucoup. Mais deux informaticiens de l’Université de Montréal, Michel Gendreau et Jean-Yves Potvin, ont mis l’intelligence artificielle au service de l’équipe de Richmond. Les chercheurs du Centre de recherche sur les transports (CRT) ont conçu un logiciel très particulier qui aidera les gestionnaires à utiliser les abrasifs de façon à en diminuer l’impact sur l’environnement, tout en faisant baisser les couts. Appelé « réseau de neurones », ce système est un cerveau informatique qui tient compte d’une grande quantité de variables avant de suggérer une solution.

« Le déglaçage et l’enlèvement de la neige sont des opérations beaucoup plus complexes qu’il n'y parait, explique M. Gendreau, directeur du CRT. Les experts du déglaçage doivent prendre en considération une foule d'éléments : la densité de la circulation, l’heure de pointe, l'état de la chaussée. Si l'on n’intervient pas adéquatement, une pluie verglaçante peut avoir des conséquences dramatiques. Il faut être prêt avant la moindre perturbation météorologique, connaitre les effets de chaque abrasif. Tout l’hiver, partout au Québec, cet exercice se répète d’heure en heure. C’est un art et une technique. »

Le cout de ces opérations n’est pas à négliger non plus : le sable coute 11 $ la tonne, le sel 70 $. Quant au calcium, il est 10 fois plus cher : 700 $. En résumé, le logiciel tient compte de 21 facteurs dont une partie seulement sont d’ordre météorologique. Il « raisonne » en fonction du nombre de camions lourds qui passent sur la route, du but recherché (veut-on déglacer le réseau, le sécuriser ou simplement le maintenir en état de marche ?), des conditions de la chaussée (y a-t-il déjà de la neige, de la gadoue, de la neige durcie, du verglas, de la glace noire ?), du mois de l'année (les jours sont-ils courts ou longs ?), etc. Côté météo, il faut savoir s’il y aura du vent dans les six prochaines heures, si des accumulations sont prévues, si un refroidissement est à craindre...

Actuellement, le logiciel fait l’objet d’une implantation graduelle dans le circuit routier de la région de Richmond, qui compte 140 km, et il sera pleinement opérationnel l’hiver prochain. Les Cantons-de-l'Est sont une région idéale pour cette implantation, car on y trouve une bonne diversité géomorphologique et plusieurs microclimats. Pourquoi employer un système informatique pour gérer l’épandage d’abrasifs ? « Il y a beaucoup d’avantages, signale M. Fournaise. D’abord, il uniformisera notre intervention. En ce moment, il y a autant de façons de calculer les proportions de sel et de sable qu’il y a de chefs d’équipe. Ensuite, il apportera une pérennité à notre expertise. »

Comme pour l’ensemble de la main-d’œuvre québécoise, le personnel affecté à l’entretien des routes vieillit et l'on craint que l'expertise développée ne disparaisse subitement quand sonnera l'heure de la retraite pour ces travailleurs. « Il fallait trouver une façon d’assurer la survie de l’expérience acquise. Sinon la relève pourrait être problématique », déclare M. Fournaise. Un autre intérêt se situe sur le plan environnemental. Environnement Canada considère que les abrasifs « présentent un danger sérieux pour les animaux, les plantes et les milieux aquatiques proches des sites d'entreposage ou d'élimination ainsi que par l'écoulement dans les cours d'eau et rivières ». Le logiciel pourrait réduire la quantité d’abrasifs de 10 % dès la première année et contribuer ainsi à la protection de l’environnement. Une affaire à suivre.


Chercheur :

Michel Gendreau

Courriel :

m.gendreau@umontreal.ca

Téléphone :

(514) 343-7435

Financement :

ministère des Transports du Québec


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