Bulletin sur les recherches à l'Université de Montréal
 
Volume 6 - numÉro 2 - FÉVRIER 2007
 Sommaire de ce numéro
 English version
 Archives

Sociologie

Qui risque sa vie sur les pentes de ski ?

On les voit se lancer du haut des tours d’habitation en parachute, escalader à mains nues des parois de glace ou se jeter à corps perdu dans des rapides tumultueux. Mais qu’est-ce qui fait courir les adeptes de sports extrêmes ? « Ils aiment le risque, répond Linda Paquette, qui rédige actuellement une thèse de doctorat sur ce sujet au Département de psychologie de l’Université de Montréal. Dans une société où le confort physique est assuré à la grande majorité de la population, se confronter avec la mort est une sensation incomparable. »

Dans cette étude – la première réalisée au Canada sur les jeunes et la prise de risque dans les sports extrêmes –, la jeune femme a recueilli les témoignages de 685 jeunes de 14 à 19 ans vivant à proximité de centres de ski majeurs des Laurentides et de la région de Québec. Grâce à des questionnaires très détaillés, elle a obtenu de précieux renseignements sur leurs habitudes en matière de sports extrêmes. « Je me suis concentrée sur la pratique du surf des neiges, précise la doctorante. J’ai voulu savoir ce qui distinguait certains sportifs disposés à prendre des risques élevés de ceux qui se contentent d’une pratique traditionnelle. »

Le surf des neiges connait une popularité grandissante au Québec. Mais ce nouveau sport de glisse est responsable de près de 10 % des traumatismes d’origines sportive et récréative, selon l’Institut national de santé publique du Québec. Un pourcentage en augmentation. Sur les pistes, on enjoint les surfeurs à respecter les consignes de sécurité, mais plusieurs les enfreignent. C’est parfois même un défi supplémentaire de transgresser les règles... « La plus grande surprise que nous avons eue à la lecture des réponses, c’est d’apprendre que les surfeurs consommaient de la drogue. Environ 30 % des répondants disaient s’être adonnés à leur activité sous l’effet du cannabis au moins une fois au cours des 12 derniers mois. Il ne s’agit pas d’une donnée scientifiquement représentative de l’ensemble de la population, mais c’est un résultat clair. Cela semble énorme. »

Par ailleurs, les surfeurs « extrêmes » semblent friands de prouesses, et 4 sur 10, selon les données de Linda Paquette, se font filmer par leurs amis durant la descente... « Je crois que notre société valorise la prise de risque. On le constate par la teneur des annonces publicitaires, au cinéma et à la télévision. Les jeunes sont perméables à cette influence », commente-t-elle. « On peut tracer un profil type de l’athlète extrême. C’est un homme dans la force de l’âge, sûr de lui, ayant des amis qui pratiquent les sports extrêmes, stable psychologiquement, extraverti, qui recherche le sentiment d’autodétermination, de maitrise, de plénitude et d’excitation que son environnement ne lui fournit pas par des moyens socialement acceptables, écrit la doctorante dans la présentation de son projet. Loin de percevoir le risque comme un danger, il le voit comme un défi à relever, une épreuve qu’il évalue soigneusement avant de l’affronter. »

L’étudiante, qui fait son doctorat sous la codirection de Jacques Bergeron (Département de psychologie) et d’Éric Lacourse (Département de sociologie), en est à l’étape de l’analyse des résultats. Elle a d’abord effectué une revue exhaustive de la littérature qui lui a permis de cerner des différences fondamentales d’un sportif extrême à l’autre. « Certaines personnes prennent des risques afin de stimuler leur estime de soi. Chaque défi relevé représente pour elles une démonstration de la réussite dont elles sont capables. Chez d’autres, la prise de risque est au contraire une fuite des problèmes. Selon nos données, elles sont plus nombreuses que dans le premier groupe à consommer des psychotropes, probablement pour les mêmes raisons. »

Chez certains jeunes, les deux mécanismes de régulation émotionnelle cohabitent. Le preneur de risque « à la recherche d’un accomplissement » supplante celui « qui fuit ses problèmes » selon l’humeur du moment. « Quand on pousse l’observation davantage, on trouve de nombreuses disparités à l’intérieur de ces catégories. »

 

Chercheuse :

Linda Paquette

Courriel :

linda.paquette@umontreal.ca

Téléphone :

514 343-6111, poste 1-4610

Financement :

Fonds québécois de la recherche sur la société et la culture


 


Ce site a été optimisé pour les fureteurs Microsoft Internet Explorer, version 6.0 et ultérieures, et Netscape, version 6.0 et ultérieures.