Bulletin sur les recherches à l'Université de Montréal
 
Volume 6 - numÉro 2 - FÉVRIER 2007
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Science politique

Les adolescents s’intéressent plus qu’on pense à la politique

Lorsqu’on invite les adolescents montréalais à évaluer leur intérêt pour la politique sur une échelle de 0 à 10, plusieurs donnent une note supérieure à 6. « C’est déjà, pour moi, une surprise. Les jeunes sont moins apathiques que les préjugés le laissent entendre », commente Eugénie Dostie-Goulet, dont la thèse de doctorat au Département de science politique de l’Université de Montréal porte sur les adolescents et la politique.

Pour les besoins de sa recherche, la jeune femme de 26 ans a mené une enquête auprès de 760 élèves de troisième secondaire afin de connaitre leurs opinions sur l’actualité politique. Les réponses obtenues sont étonnantes. « Les jeunes ont des opinions éclairées sur plusieurs sujets liés à la politique nationale ou internationale, dit-elle. Ils sont de plus très critiques. Le mensonge, la corruption, les fausses promesses, c’est ce qu’ils détestent le plus chez les politiciens. »

L’originalité de ce travail est qu’il s’étend sur plusieurs années, de façon à voir comment évoluera le rapport des jeunes avec la politique. « La littérature scientifique sur le sujet est extrêmement rare et remonte aux années 70, explique la chercheuse. À cette époque, on a surtout étudié l’influence parentale sur les attitudes électorales des enfants. Notre recherche est différente. Il s’agit de découvrir les attitudes et opinions des jeunes eux-mêmes pour ce qu’elles sont et de les suivre sur plusieurs années. »

Les jeunes sondés avaient 14 et 15 ans au moment de la première rencontre. Ils seront de nouveau interrogés en quatrième puis en cinquième secondaire. Ils auront ensuite le droit de vote. Voilà où la recherche d’Eugénie Dostie-Goulet pourrait s’avérer le plus utile. « Moins du quart des électeurs de 18  ns votent, souligne-t-elle. On aimerait mieux comprendre pourquoi ils sont si nombreux à s’abstenir. » Ce phénomène de l’abstention chez les jeunes adultes préoccupe les politologues. Selon une recherche de Jon Pammett et Lawrence LeDuc effectuée en 2000, 38,2 % des électeurs canadiens qui ont eu 18 ans en 1993 ont exercé leur droit de vote aux élections fédérales de 2000. Ceux qui ont atteint la majorité en 1997 n’ont été que 27,5 % à déposer leur bulletin dans l’urne et ceux qui pouvaient voter pour la première fois en 2000 n’ont été que 22,4 % à le faire. Pourquoi s’abstiennent-ils autant s’ils manifestent un intérêt pour la politique plus tôt dans l’adolescence, comme tend à le démontrer l’étude de Mme Dostie-Goulet ? « Pour l’instant, c’est une question sans réponse. Et j’aime les questions sans réponse », lance la doctorante en esquissant un sourire.

Sous la direction d’André Blais, un professeur spécialisé dans l’analyse du comportement de l’électorat, Eugénie Dostie-Goulet poursuivra sa recherche au cours des trois prochaines années. S’il est vrai qu’il serait hâtif de tirer la moindre conclusion, elle émet l’hypothèse que des mythes entourent les jeunes au chapitre de leur engagement dans la vie publique. « J’ai le sentiment que les jeunes sont plus politisés qu’on pense, indique-t-elle. Cette recherche permettra peut-être d’en apprendre davantage à ce sujet. » Il est important d’étudier cette question puisque les habitudes électorales s’acquièrent très tôt dans la vie. Des chercheurs ont découvert dans les années 90 que voter est une habitude qui se prend jeune. Et inversement. C’est donc essentiel de comprendre ce qui distingue les jeunes qui négligent d’exercer leur droit de vote et ceux qui, au contraire, s’en prévalent dès la première occasion.

En matière d’engagement, Eugénie Dostie-Goulet est un modèle en soi. Présidente de l’Association des étudiants des cycles supérieurs en science politique de l’Université de Montréal, elle a toujours accordé une bonne place à ses propres activités politiques. En 2001 et 2002, par exemple, alors qu’elle étudiait à l’Université de Sherbrooke, elle a animé l’émission Politique en direct à la station CFLX 95,5. Durant les mêmes années, elle a participé à une simulation des travaux de l’Organisation des Nations unies. Puis, en 2005, elle a suivi un stage d’été en psychologie politique à l’Université Stanford.

 

Chercheuse :

Eugénie Dostie-Goulet

Courriel :

eugenie.dostie-goulet@umontreal.ca

Directeur :

André Blais, andre.blais@umontreal.ca

Financement :

Université de Montréal, American Political Science Association



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