Bulletin sur les recherches à l'Université de Montréal
 
Volume 6 - numÉro 2 - FÉVRIER 2007
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Travail social

Il faut intervenir avant le meurtre des femmes menacées

En 2004, au Québec, 22 femmes ont été assassinées par leur conjoint ou ex-conjoint. Certains de ces drames auraient pu être évités si les professionnels interpelés avaient pu déceler les signes avant-coureurs de l’agression fatale, selon Christine Drouin, auteure d’un mémoire de maitrise sur la violence conjugale à haut risque de létalité à l’École de criminologie de l’Université de Montréal. « Il y a des indices qui peuvent aider les intervenantes à juger de l’imminence du danger, signale-t-elle. Si le risque est élevé, il faut à tout prix protéger la femme. »

Quand un homme est en présence de son ex-conjointe à l’endroit de qui il a déjà proféré des menaces, le risque du passage à l’acte est grand. S’il a auparavant été violent envers elle et qu’une arme est à sa portée, alors c’est un cas d’extrême urgence. Pour les travailleuses des maisons d’aide et d’hébergement en contact avec une femme dans une telle situation, chaque minute compte. Dans le but d’aider ces intervenantes, regroupées dans une centaine de maisons d’hébergement pour femmes violentées en contexte conjugal, Christine Drouin a écrit avec Julie Drolet (une intervenante dans un centre de femmes) un guide d’intervention intitulé Agir pour prévenir l’homicide de la conjointe. Ce guide, auquel ont contribué une douzaine d’universitaires et d’intervenantes, est en quelque sorte un mode d’emploi pour sauver la vie des femmes menacées. « Le niveau élevé d’urgence contraint souvent les intervenantes à réagir rapidement, et ce, sans avoir nécessairement toutes les informations requises pour évaluer la situation et décider quelle est l’intervention la plus appropriée », peut-on lire dans l’introduction. L’ouvrage est là pour remédier à la situation.

Elles ont reproduit une « grille d’évaluation du danger », mise au point par la chercheuse américaine J. Campbell. En 15 questions (« La fréquence de la violence physique a-t-elle augmenté au cours de la dernière année ? », « A-t-il déjà menacé ou tenté de se suicider ? », « Fait-il violemment et constamment preuve de jalousie à votre égard ? », « Y a-t-il un fusil dans la maison ? »), l’intervenante peut déterminer la gravité de la situation. Dans le guide, trois niveaux d’urgence sont considérés : danger imminent, danger à court ou moyen terme et danger persistant. Dans le premier cas, la police doit être prévenue sans tarder, à moins que la femme s’y oppose. Dans les deux autres, le travail de l’intervenante pourra s’échelonner sur une plus longue période. Mais il faut demeurer vigilant dès que l’ex-conjoint est dans les parages. Par exemple, si la femme doit se présenter en cour, elle doit être accompagnée d’un gardien de sécurité et exiger une salle d’attente sécuritaire.

« En relatant un drame passionnel, les médias montrent souvent des voisins étonnés qui racontent que le tueur était un homme calme, sans histoire, évoque l’agente de recherche au Centre de recherche interdisciplinaire sur la violence familiale et la violence faite aux femmes (CRI-VIFF). Cela laisse entendre que la violence conjugale apparait subitement. Erreur. La plupart du temps, les meurtres ont été précédés de multiples agressions. La femme a déjà consulté des organismes qui viennent en aide aux femmes violentées, la police est intervenue... »

Si les comportements et attitudes de l’ex-conjoint sont des facteurs clés dans l’évaluation du risque, d’autres éléments doivent être pris en considération. « Il y a des périodes critiques. L’année qui suit une séparation est certainement la plus risquée. On parle même des premiers mois comme étant un moment capital. » Les spécialistes conseillent aux femmes qui viennent de se séparer de changer leur routine, par exemple de ne plus faire leur épicerie le jeudi. Les intervenantes doivent connaitre différentes façons de faire passer leur message, car les femmes violentées se méprennent souvent elles-mêmes sur les risques qu’elles courent. Elles connaissent ainsi le caractère changeant de leur ex-conjoint. Des moments de gentillesse, voire de douceur, succèdent aux emportements agressifs. Il faut s’en méfier, comme des menaces et du harcèlement, autant d’indices sérieux. « On doit aussi considérer le risque de suicide de l’ex-conjoint. S’il n’a plus rien à perdre, il est encore plus susceptible d’attenter à ses jours », note Mme Drouin.

 

Chercheuse :

Christine Drouin

Courriel :

christine.drouin@umontreal.ca

Téléphone :

514 343-6111, poste 1-3735

Financement :

Stratégie nationale pour la prévention du crime



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