Bulletin sur les recherches à l'Université de Montréal
 
Volume 6 - numÉro 2 - FÉVRIER 2007
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Communication

Arrêtons de nous inquiéter pour les accros de jeux électroniques !

Du 20 au 22 octobre dernier, au cégep de Granby, 75 personnes ont pris part à un concours de jeux vidéo. Grâce à un système d’ordinateurs reliés en réseau, les participants ont tous joué les uns contre les autres pendant deux jours. Le gagnant, Dafou, était si heureux de sa bourse de 250 $ qu’il a envoyé un commentaire enthousiaste aux organisateurs : « Sérieux, j’ai eu trop de fun, j’en reviens même pas que ce soit fini et que je dois (sic) retourner travailler aujourd’hui. »

Ce tournoi de jeux en réseau (de l’anglais « LAN party », pour local area network ou réseau local) n’était qu’une des 33 activités analogues mises sur pied en 2006 au Québec. Quelques mois plus tôt, ils étaient 400 à participer au LAN ETS, organisé à l’École de technologie supérieure de Montréal. Il y a aussi eu des tournois à Saint-Hyacinthe, Sept-Îles, Chibougamau et Rouyn-Noranda. Nouveau au Québec (le premier tournoi de jeux en réseau a eu lieu en novembre 2001), le « sport électronique » est déjà très en vogue en Europe, où des milliers de concurrents cherchent à gagner des bourses qui atteignent les 100 000 €. Il existe même une « coupe du monde » du sport électronique. « Le joueur type est un garçon, dans 95 % des cas, âgé de 16 à 22 ans. Il peut passer jusqu’à 10 heures d’affilée devant son ordinateur lorsqu’il se prépare pour une compétition », explique Samuelle Ducrocq-Henry, qui mène actuellement une recherche de doctorat sur ce sujet.

Pour elle, les compétitions de jeux électroniques sont un nouveau type de sport. « Ces jeux font appel à la concentration, aux réflexes et à la précision. C’est, à mon avis, un sport au carrefour du tir à l’arc, des échecs, de l’interprétation musicale et de la course automobile. Comme les épreuves se déroulent en équipe, il y a un fort esprit de camaraderie qui se développe parmi les adeptes », dit-elle. Durant les compétitions, les équipes de deux à quatre joueurs croisent le fer par l’intermédiaire de jeux tels que Warcraft ou Counter-strike. Les gagnants de la première ronde se rendent en éliminatoires et les champions sont couronnés au terme de 5 à 10 parties, selon le nombre d’équipes en lice.

Pour en apprendre davantage sur ce phénomène en émergence, l’étudiante au doctorat a entrepris une véritable recherche ethnographique qui l’a conduite d’un tournoi à l’autre. Elle a distribué des questionnaires à quelque 300 joueurs en réseau et réalisé des entrevues avec des dizaines d’entre eux. Certains ont été suivis pendant deux ou trois ans, ce qui lui a permis de préciser quelques lignes directrices.

« Beaucoup de gens s’inquiètent de voir les jeunes s’isoler dans leur chambre pour jouer à des jeux vidéo. Pour moi, il n’y a pas lieu de s’alarmer. Oui, pour perfectionner leurs techniques, les plus mordus s’y adonnent corps et âme. Mais cela correspond à une période de l’adolescence déjà caractérisée par maints excès. Après deux ou trois ans, en général lorsqu’une vie de couple s’organise ou que le travail ou les études prennent le dessus, l’intérêt plafonne et l’on délaisse l’activité. »

Les anciens joueurs seraient même avantagés, aujourd’hui, sur le marché du travail. « Ils sont techniquement très habiles et peuvent travailler dans un contexte multitâche. Certaines entreprises américaines les recherchent particulièrement pour occuper des postes de gestion. » Mais les médias ont beaucoup fait état de la perte d’identité des joueurs. Le personnage virtuel occupe-t-il trop de place dans la tête des accros ? « Pas dans ce type de jeu, car l’esprit d’équipe est fondamental pour réussir », assure la doctorante, qui a terminé une bonne partie de sa thèse au programme commun de communication des universités de Montréal, du Québec à Montréal et Concordia. De plus, le fait que les joueurs doivent se réunir physiquement dans un même lieu pour participer aux concours encourage les échanges et les rencontres. La spécialiste fait remarquer, d’ailleurs, qu’aucun incident déplorable n’est survenu dans l’histoire des tournois de jeux en réseau québécois. « Cela en dit déjà beaucoup. N’oubliez pas qu’on réunit dans une salle pendant deux ou trois jours consécutifs des centaines d’adolescents passionnés... »

 

Chercheuse :

Samuelle Ducrocq-Henry

Courriel :

samuelle.ducrocq@uqat.ca


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