Hebdomadaire d'information
 
Volume 41 - numÉro 11 - 13 NOVEMBRE 2006
 Sommaire de ce numéro
 Archives de Forum

Un verre de vin rouge par jour vous gardera en santé

Professeur de pharmacie, Albert Adam publie Le bonheur est dans le vin

Albert Adam aime citer Charles Maurice de Talleyrand: «Le vin: on le regarde, on le respire et on en parle.»

Parallèlement à ses travaux sur la vaccination, Louis Pasteur, au 19e siècle, a été le premier scientifique à s’intéresser au vin. Depuis, les recherches se sont multipliées. «Entre 1990 et aujourd’hui, il s’est écrit environ 500 articles sur le vin et la santé. Et je parle d’articles scientifiques révisés par des comités de pairs», signale Albert Adam, professeur à la Faculté de pharmacie et auteur d’un livre intitulé Le bonheur est dans le vin, qui parait cette semaine aux Éditions de l’Homme.

On peut même dire que la cadence s’accélère puisque le jour de l’entrevue de M. Adam avec Forum, le 1er novembre, le New York Times publiait un article où il était question d’une substance isolée du vin rouge qui allongeait la vie des souris. Et la revue de la Federation of American Societies for Experimental Biology, le FASEB Journal, annonçait la même semaine que le cabernet sauvignon pourrait diminuer l’incidence de la maladie d’Alzheimer...

«Il y a longtemps qu’on boit du vin par plaisir et même qu’on en soupçonne les vertus médicinales, poursuit le professeur Adam. On sait par exemple qu’Hildegarde von Bingen (1098-1179) en prescrivait pour soigner les maladies du cœur. Mais on commence tout juste à en comprendre les subtilités chimiques et les mécanismes sur la santé.»

Lui-même grand amateur de beaujolais, Albert Adam n’a pas attendu les preuves scientifiques pour déguster son ballon de rouge quotidien (parfois ses deux). «Je bois peu, mais uniquement du bon vin», précise-t-il. Mais son esprit cartésien demeurait titillé par les rumeurs autour de la question. Il a donc accumulé pour sa gouverne une documentation fournie afin d’établir éventuellement une bibliographie exhaustive des connaissances scientifiques sur le vin et la santé. L’idée d’écrire un livre pour le grand public s’est lentement imposée. «Comme je suis prof d’université, on me demande souvent si c’est vrai que le vin est bon pour la santé. Comment répondre à cette question avec autorité? J’ai dû effectuer ma propre recherche.»

L’auteur mentionne que les Américains ont découvert, le 17 novembre 1991, à l’émission 60 minutes, le «paradoxe français», soit le fait que les Français souffrent moins de maladies cardiovasculaires que les autres populations malgré leur régime riche en gras et en alcool. L’auteur rapporte que le reportage a eu un effet marqué aux États-Unis puisque les ventes de vin rouge ont augmenté de 39 % au cours des mois suivants. «Mieux vaut tard que jamais!» lance le professeur Adam dans un éclat de rire franc et communicatif.

Vin et santé
En homme de science (il a publié quelque 200 articles dans des revues savantes, dont de nombreux sur le système cardiovasculaire), Albert Adam a donc entamé son travail comme s’il s’agissait d’un projet de recherche proprement dit. La première partie de l’ouvrage est un tour d’horizon de l’histoire du vin. Presque aussi vieux que notre civilisation, le «fruit de la vigne et du travail des hommes» est évoqué plus de 650 fois dans la Bible. On trouve des mentions ou des illustrations de la viticulture et de la vinification jusqu’à 4000 ans avant notre ère.

Au terme de sa revue de la littérature, il affirme que les polyphénols et antioxydants du vin rouge ont une influence bénéfique sur la santé cardiovasculaire. «De nombreuses études épidé-miologiques ont mis en évidence une association entre la consommation modérée de vin et une fréquence moindre des maladies cardiovasculaires.» Le vin a également des vertus antibactériennes, des effets sur la santé mentale et pourrait prévenir certains cancers et la maladie d’Alzheimer.

Le bonheur est dans le vin, écrit en collaboration avec Jean-Luc Jault pour la section chronologique, est un ouvrage accessible et agrémenté de nombreuses photos et illustrations. «La rédaction de ce livre est devenue, pour moi, une façon de rendre à la société une partie de ce que je lui dois», explique le professeur d’origine belge immigré au Canada en 1988 avec sa famille. L’éditeur lui a fait retravailler plusieurs passages afin de les rendre plus compréhensibles pour le lecteur moyen. Mais l’auteur rend aussi hommage aux autres membres de son comité de lecture: Daniel Lamontagne, Anik Desormeaux, Francine Jolicœur, Marc-Antoine Adam, François Péronnet, Pierre Bonnechère et Vincent Fournier.

Sola dosis fecit venenum
Une des nombreuses citations du livre de M. Adam est tirée du Talmud, le livre saint des juifs: «C’est moi, le vin, qui suis le premier médicament: là où il n’y a pas de vin, on a besoin de médicament.»

Le vin rouge qui agrémente le repas du soir est-il vraiment un médicament? «En un sens oui, répond le professeur Adam. Mais on pourrait dire ça de presque tout ce que nous consommons. Le vin est aussi un aliment et peut devenir nocif. Comme disait Paracelse, Sola dosis fecit venenum: “Seule la dose fait le poison.”»

L’alcool peut nuire au mode d’action des médicaments; le professeur de pharmacie souligne donc qu’il faut discuter avec son médecin de sa consommation. Et celle-ci ne devrait jamais excéder la dose prescrite. Pour les femmes enceintes, c’est ingestion zéro. «La littérature est formelle là-dessus: l’alcool, même en petite quantité, peut compromettre le développement du fœtus.»

Pour le commun des mortels, en quantité excessive, l’alcool provoque une atteinte des fonctions cognitives et altère la mémoire, rappelle le chercheur. Les recherches scientifiques attribuent à l’excès d’alcool une forme de démence caractérisée par des carences en vitamine B1. Mais une consommation faible ou modérée pourrait être salutaire aux personnes âgées qui courent le risque de souffrir de la maladie d’Alzheimer. On soupçonne les polyphénols du vin rouge d’être responsables de cet effet protecteur. Toutefois, le professeur indique dans son livre que, «pour cette maladie, le risque est similairement élevé chez les abstinents et chez les consommateurs excessifs (plus de quatre verres par jour)».

Du côté du cancer, une étude menée au Danemark a montré qu’une consommation modérée de vin se traduisait par une diminution du risque de cancer d’environ 30 % par rapport au risque mesuré chez ceux qui ne boivent pas. Encore une fois, les buveurs excessifs sont plus à risque. Mais on a noté que le vin causait moins de dommages chez eux que la bière ou les spiritueux.

Toutes ces louanges chantées au vin ne sauraient faire oublier que cette boisson est d’abord et avant tout une source de plaisir. Et l’hédonisme, le professeur Adam n’a rien contre! Partager une bouteille avec des amis, c’est vivre pleinement. On trouve dans cet acte de communion une finesse que la bière ou d’autres alcools n’offrent pas. «Évitons de disso-cier le vin de l’esprit du vin, écrit-il en conclusion de son livre, d’un esprit de convivialité, l’esprit du symposium si cher aux Grecs.»

Les bons vins ne sont pas l’apanage des étiquettes prestigieuses et hors de prix, insiste- t-il. Il faut savoir choisir. Le professeur Adam a son rituel. Chaque vendredi soir depuis 18 ans, il se rend à la succursale de la Société des alcools du Québec du centre Rockland, où il choisit deux bouteilles. Le commis Robert Renaud et quelques mordus s’y donnent rendez-vous et ils goutent, échangent leurs opinions, regoutent. «On trouve d’excellentes bouteilles à 15 $», fait-il remarquer.

«Parfois, au cours de dégustations, les gouteurs évoquent des saveurs comme le cuir de Russie, le soja, la mine de crayon. Moi, j’aime évoquer... le gout du raisin tout simplement», dit-il en s’esclaffant de nouveau.

Mathieu-Robert Sauvé

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