Hebdomadaire d'information
 
Volume 41 - numÉro 11 - 13 NOVEMBRE 2006
 Sommaire de ce numéro
 Archives de Forum

La FAECUM a 30 ans et toutes ses dents!

Denis Gravel publie Histoire de la FAECUM: une fédération en marche

L’histoire de la FAECUM est liée à celle du Québec, estime l’auteur du livre.

Le 3 février 1978, des étudiants de l’Université de Montréal se risquent à voler la coupe Grey (remise au gagnant de la saison de la Ligue canadienne de football), détourner trois camions de bière et chaparder au Musée de cire la statue du premier ministre canadien Pierre Elliott Trudeau. Dans le livre que vient de publier Denis Gravel sur l’histoire de la Fédération des associations étudiantes du campus de l’Université de Montréal (FAECUM), on voit les chipeurs, hilares, présenter leur butin aux participants du Carnaval. La statue de cire de M. Trudeau, l’air stoïque, donne une allure saugrenue à la scène.

Le militantisme étudiant a eu plusieurs visages depuis le congrès de fondation de la FAECUM, le 30 octobre 1976. Reconnue en 1981 par le Conseil de l’Université comme «association représentative des étudiants», la FAECUM regroupe aujourd’hui des milliers d’étudiants dans la plupart des facultés. Parmi ses faits d’armes: la création de la radio CISM en 1985 (d’abord en circuit fermé puis, à partir du 14 mars 1991, sur les ondes FM); l’instauration du Fonds d’investissement des cycles supérieurs en 1990; la réduction de moitié du prix des photocopies en 2001 (de 10 à 5 cents l’unité); l’augmentation du salaire des auxiliaires d’enseignement en 2001; l’adoption par l’Université d’une politique d’achats et de placements responsables en 2003; et, bien sûr, la participation à plusieurs campagnes nationales visant à défendre les intérêts des étudiants. La FAECUM aura été de tous les combats, de la mise en place de la Fédération étudiante universitaire du Québec en 1989 à la gigantesque grève des étudiants québécois d’avril 2005.

«L’histoire de la FAECUM est intimement liée à celle du Québec, estime l’auteur du livre, historien et diplômé de l’Université de Montréal (en science politique). J’ai tenté de présenter les faits dans une perspective historique objective. Aux lecteurs de les interpréter.»

Affaire Pepsi
L’ouvrage fait une large place à un premier livre sur le sujet, paru en 1994 (Éric Bédard, Histoire de la FAECUM). La Fédération avait-elle vraiment besoin d’une deuxième monographie historique en 12 ans? «Des évènements majeurs se sont déroulés depuis la parution de ce livre qui méritaient d’être racontés», précise M. Gravel. Il en évoque deux: l’«affaire Pepsi» et la grève de 2005. Rappelons-les.

À la rentrée d’automne 1998, les étudiants apprennent qu’une entente est intervenue entre Pepsi-Cola et l’UdeM. Celle-ci cède à l’entreprise privée les droits de la distribution exclusive de la boisson non alcoolisée sur le campus en échange d’un montant de 6,4 M$. Pepsi installera près de 200 machines distributrices dans les mois suivants. Les cafés étudiants, qui recevront en principe 30% des profits engendrés par les ventes, sont signataires. Aux négociations avec Pepsi, l’Association générale des étudiants et des étudiantes de la Faculté de l’éducation permanente est aussi présente. Pepsi-Cola a promis aux étudiants des ristournes que la Fédération entend remettre sous forme de bourses d’études et d’emplois rémunérés. «Après quelques débats au conseil central, écrit Denis Gravel, la FAECUM ratifie le contrat à sa 337e séance, le 31 mars 1999: 25 associations l’appuient, deux s’y opposent et cinq autres enregistrent leur abstention.»

Quelques mois plus tard, l’affaire tourne au vinaigre, pourrait-on dire. Des étudiants en sociologie dénoncent les clauses de confidentialité de l’entente, d’autres la situation de conflit d’intérêts dans laquelle s’est placée leur fédération. Sans se retirer de l’entente, le bureau présente ses excuses en 2003 pour sa «désinvolture». «Ce cafouillage a apporté son lot de critiques dont une partie est acceptée par la Fédération», note M. Gravel. Cependant, pense-t-il, l’affaire a pris des «proportions babyloniennes». La FAECUM paie le prix du débat sur l’intrusion de l’entreprise privée à l’Université (l’Association des étudiants en sociologie se désaffilie de la Fédération le 18 février 2003). Mais l’UdeM a fait bien pire en acceptant des fonds privés pour ses immeubles et ses recherches. Même le journal étudiant Quartier libre, qui accepte les publicités de tabac et de bière, reçoit quelques flèches de l’auteur.

Au seuil d’une nouvelle ère
Le dernier chapitre du livre, intitulé «Au seuil d’une nouvelle ère», se termine sur la grève de 2005. Denis Gravel attribue à Jonathan Harvey le déclenchement du mouvement étudiant, lorsque celui-ci constate «avec stupeur» que le budget provincial du printemps 2004 comporte un trou de plusieurs dizaines de millions de dollars. En transformant des bourses en prêts, le ministre de l’Éducation de l’époque, Pierre Reid, va prélever 103 M$ «dans les poches des étudiants», dénoncent les militants.

La mobilisation ira s’accroissant jusqu’à une manifestation, le 10 novembre 2004, à laquelle prennent part 10 000 personnes. «Derrière la Coalition régionale étudiante de Montréal [...] se profile la FAECUM, qui déploie son appareil logistique et mobilise 25 associations étudiantes de diverses provenances, tant du côté des cégeps que du côté des universités montréalaises», peut-on lire. La grève sera déclenchée le 21 février suivant. Le 16 mars, on évalue la foule de manifestants à plus de 80 000 dans les rues de Montréal.
«Il y aurait un livre à écrire sur le seul sujet de la grève étudiante de l’an dernier, qui s’est conclue par un recul du gouvernement, reprend l’historien. Croyez-moi, l’histoire de la FAECUM est très riche.»

M. Gravel, qui a rédigé plus d’une trentaine d’ouvrages sur l’histoire de municipalités québécoises, a été sollicité par le bureau actuel de la FAECUM l’été dernier pour souligner les 30 ans de la fédération étudiante. Il s’est consacré à sa tâche avec beaucoup d’énergie... et de plaisir. «J’ai d’excellents souvenirs de mes années d’études à l’UdeM, entre 1977 et 1985», dit l’homme de 48 ans dont le travail d’écriture s’est étendu sur quatre mois.

Mathieu-Robert Sauvé

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