Hebdomadaire d'information
 
Volume 41 - numÉro 30 - 22 mai 2007
 Sommaire de ce numéro
 Archives de Forum

Les défis de l’agriculture périurbaine

Les terres agricoles de la région de Montréal ne doivent plus être considérées comme des «espaces poubelles», estime Claude Marois

Claude Marois a rédigé un long mémoire destiné à la Commission sur l’avenir de l’agriculture et de l’agroalimentaire québécois.

On ne retrouve pas que de l’asphalte et du smog dans la région métropolitaine de Montréal. Si la concentration de béton et d’acier y est forte, elle n’en demeure pas moins limitée puisque plus de la moitié du territoire est agricole. Trop souvent oublié, le grand «jardin» du Québec est en proie à l’incertitude, à l’instar du reste de l’agriculture provinciale.

«L’agriculture périurbaine montréalaise est menacée comme l’agriculture en général, à la différence qu’elle cohabite tant bien que mal avec l’accroissement métropolitain», constate le professeur titulaire du Département de géographie Claude Marois, qui a rédigé un long mémoire sur la question pour la Commission sur l’avenir de l’agriculture et de l’agroalimentaire québécois.

Pressions citadines
La vocation des terres de la région de Montréal est souvent remise en question, soit pour l’agrandissement d’un espace urbain, soit pour le dézonage d’une partie du territoire agricole. L’agriculture périurbaine constitue pourtant le pôle de l’industrie bioalimentaire au Québec. Selon les données du ministère de l’Agriculture, des Pêcheries et de l’Alimentation, le Grand Montréal arrive au premier rang dans la production du lait, du porc, du bœuf, de la volaille, des céréales et protéagineux et des légumes, ainsi que dans l’horticulture ornementale.

Malgré cela, Claude Marois note un certain manque de sensibilité de la part des administrations municipales, qui cherchent à se démarquer les unes des autres à coups de constructions commerciales. «Pour certaines municipalités où l’activité agricole est stagnante ou en déstructuration, il y aurait peut-être des possibilités de revitalisation si, en partant, on cessait de considérer les espaces périurbains comme des “espaces poubelles” où seules les activités urbaines sont valorisées», affirme-t-il.

Le professeur rappelle par ailleurs que la tentation est grande pour ces villes qui ont encore à leur disposition environ 30 000 hectares en zone blanche. «Sans pour autant les condamner, il est évident que, dans certains cas, les tentatives de dézonage en zone blanche donnent des signaux négatifs au monde agricole quant à leur place et à leur avenir dans les espaces périurbains.»

Par chance, la Loi sur la protection du territoire agricole existe. Selon le géographe, elle est somme toute assez efficace. Mais l’étalement urbain poursuit sa course inexorable vers la périphérie, «même dans un contexte de croissance démographique plutôt lente», remarque-t-il. Des chercheurs américains ont en effet démontré qu’il n’y avait pas de corrélation entre la croissance de la population et les pressions urbaines.

«On associe à tort l’étalement urbain uniquement à la construction résidentielle, explique M. Marois. Mais il n’y a pas que ça. Songez à tous ces centres commerciaux et aux infrastructures associées, comme les routes, les autoroutes, les réseaux d’aqueduc… Depuis 20 ans, l’augmentation de la superficie commerciale est exponentielle dans la région de Montréal. Cette réalité justifie pleinement le maintien de la Loi!»

Rats des villes… et des champs?
Paradoxalement, l’agriculture périurbaine a su résister jusqu’à présent aux assauts des villes justement en raison de la proximité urbaine. «Nous sommes des complices, déclare Claude Marois. L’agriculteur a besoin de la ville pour écouler ses produits. L’urbain a besoin de l’agriculteur et de la campagne pour trouver des aliments frais.»

Le virage au vert qui s’effectue depuis quelques années redonne ses lettres de noblesse à la campagne, à preuve la popularité des marchés publics permanents ou temporaires, des paniers de légumes biologiques, des foires gourmandes, des festivals de toutes sortes et des cueillettes de fruits.

L’agrotourisme est d’ailleurs l’une des manifestations directes du rapprochement entre les ruraux et les urbains. Dans ses recommandations à la Commission, le géographe souligne l’importance de la promotion de cette activité aussi ludique qu’éducative. «Plusieurs enfants n’ont jamais visité de ferme, alors qu’on en trouve plusieurs à une demi-heure de route de Montréal», s’exclame-t-il. Le rôle de l’agriculture périurbaine dépasse donc largement sa fonction première de production alimentaire. Ces territoires sont devenus des espaces de convivialité aux multiples vertus, qu’elles soient pédagogiques, sociales ou même thérapeutiques. «Certaines fermes font de la réinsertion sociale», observe M. Marois.

Par la force des choses, «l’agriculteur acquiert un statut important dans la société avec de nouvelles responsabilités et des attentes sociétales qu’il ne peut assumer seul, compte tenu de ce lourd fardeau», conclut le professeur dans son mémoire. La solidarité entre ruraux et urbains s’impose ainsi plus que jamais, estime Claude Marois.

Marie Lambert-Chan

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