Démographie historique

Vivre 110 ans

En octobre prochain, le démographe Bertrand Desjardins, de l’Université de Montréal, se rendra en Sardaigne pour suivre une piste bien spéciale. Il y aurait sur l’île italienne une concentration anormalement élevée de supercentenaires, soit des individus âgés de 110 ans et plus. Fait exceptionnel : la majeure partie des Sardes qui atteignent cet âge vénérable seraient des hommes.

« Selon les données que les démographes ont pu vérifier, aucun homme n’aurait atteint l’âge de 110 ans au Canada, rapporte Bertrand Desjardins. Les seuls supercentenaires dont l’âge a été confirmé étaient des femmes. » Contrairement à la croyance populaire, la longévité des femmes ne serait pas uniquement liée à des facteurs environnementaux. Certes, les hommes sont exposés à davantage de risques : ils conduisent plus et, jusqu’à récemment, ils fumaient plus et occupaient des fonctions plus stressantes. Mais il y a autre chose…

« Il semble exister une composante génétique ou biologique à la longévité des femmes », souligne le professeur Robert Bourbeau, directeur du Département de démographie et spécialiste de l’étude de la mortalité et de la longévité. « Durant la première année de vie, la mortalité chez les garçons est plus élevée. Il semble aussi que les hormones féminines protégeraient les femmes, dans une certaine mesure, contre les maladies cardiovasculaires. »

Les chercheurs étaient sceptiques lorsque des médecins sardes leur ont présenté leurs données à l’occasion d’un colloque tenu à Montpellier en 1997. « On n’a pas été très tendres à leur égard, se souvient M. Desjardins. On a vu leurs tableaux, on a constaté qu’il s’agissait principalement d’hommes et, tout de suite, on a cru qu’ils avaient commis une erreur classique. On leur a conseillé de retourner faire leurs devoirs. »

Il faut savoir que l’histoire de la démographie est truffée d’épisodes où l’âge des habitants de certaines régions a été gonflé, pour toutes sortes de raisons. Un cas typique est celui de la Géorgie, une république de l’ex-URSS où est né Staline. Pour rendre hommage à l’homme politique, on parlait abondamment des « très vieux » Géorgiens dans les livres d’histoire. Depuis, les données ont été vérifiées et ces vieillards ont pris un coup de jeune.

« On est souvent confronté à des mythes comme celui-là, raconte M. Desjardins. Ce n’est pas toujours de la mauvaise volonté. Dans certains pays, il n’existe pas de registres organisés des naissances. On se fie aux souvenirs des individus pour estimer l’âge du décès. Au départ, on pensait que c’était le cas pour la Sardaigne. Mais après la vérification des données statistiques, on a pu dire qu’on avait affaire à quelque chose de sérieux. Étant donné que les Sardes baptisent les nouveau-nés, on possède des registres assez fiables. »

Bertrand Desjardins, qui agit maintenant comme conseiller dans le projet sarde, ne sera pas seul à visiter l’île. Des généticiens, des nutritionnistes, des sociologues et des historiens du monde entier participent aussi à la recherche. Essentiellement, ils espèrent comprendre pourquoi les Sardes vivent si longtemps. Est-ce en raison de leur alimentation ? de leur bagage génétique ? L’air qu’ils respirent est-il meilleur ? La preuve reste à faire. De son côté, M. Desjardins compte revérifier et valider les informations sur l’âge des habitants.

 

Chercheur : Bertrand Desjardins
Courriel : bertrand.desjardins@umontreal.ca
Téléphone : (514)  343 -7613

 


 


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