Neuropsychologie

Les aveugles « voient » les sons

À l’heure de pointe, traverser les rues au centre-ville de Montréal n’est pas une mince affaire. On n’a parfois pas assez de deux yeux pour voir venir à la fois les voitures, les vélos et les piétons. Mais les aveugles, comment y arrivent-ils ? La réponse est à la fois simple et inattendue. En effet, selon les dernières recherches en neurosciences, le cerveau aurait la capacité de s’adapter à l’environnement dans lequel il évolue. Ainsi, chez les non-voyants, la région occipitale, généralement associée à la vision, serait récupérée au profit de l’audition. En d’autres mots, les aveugles pourraient « entendre » ce que d’autres « voient ».

Depuis plus de cinq ans, les chercheurs du Centre de recherche en neuropsychologie et cognition (CERNEC) du Département de psychologie ont réussi à mettre en lumière les capacités auditives étonnantes des personnes non voyantes. Déjà, en 1998, l’étudiante au doctorat Nadia Lessard avait démontré que certains aveugles de naissance avaient une certaine facilité à localiser les sons dans l’espace.

« Dans une chambre anéchoïque [sans écho], Mme Lessard avait réparti 16 haut-parleurs. Des sujets voyants et non voyants, dont la tête était immobilisée, devaient montrer du doigt l’endroit d’où venaient les sons émis tour à tour par ces haut-parleurs, résume Frédéric Gougoux, un candidat au doctorat qui poursuit aujourd’hui, pour les besoins de sa thèse, les travaux de M me Lessard. Au départ, les voyants et les non-voyants ont obtenu des résultats similaires. Mais les choses se sont compliquées quand on a demandé aux sujets de se boucher une oreille. Alors que la moitié des non-voyants arrivaient toujours à indiquer précisément d’où provenaient les sons, les personnes voyantes n’y parvenaient plus du tout. »

Quelques années plus tard, un second étudiant du nom de Charles Leclerc a repris l’expérience, à une différence près : il a placé des électrodes sur le scalp des sujets. L’enregistrement de l’activité électrique du cerveau a démontré que la région cérébrale située à l’arrière de la tête s’activait de façon exceptionnelle lorsque les aveugles localisaient les sons.

À son tour, Frédéric Gougoux a désiré pousser cette expérience un peu plus loin. Grâce à la tomographie par émission de positrons, mieux connue sous l’appellation anglaise PET-Scan, il a voulu aller voir plus précisément ce qui se passait dans le cerveau des non-voyants au moment de la localisation sonore. Franco Lepore, professeur au Département de psychologie et directeur du CERNEC, ainsi que Robert Zatorre, professeur à l’Institut de neurologie de l’Université McGill, ont accepté de diriger ses travaux. Maryse Lassonde, professeure au Département de psychologie, a aussi accepté de collaborer aux travaux de l'étudiant.

Au départ, M. Gougoux a tenté de recruter les sujets qui avaient participé aux expériences de Nadia Lessard et de Charles Leclerc. Dans certains cas, cela n’a pas été possible. Mais avec l’aide de l’Institut Nazareth et Louis-Braille, de la Montreal Association for the Blind et du Regroupement des aveugles et amblyopes du Montréal métropolitain, l’étudiant a constitué sa propre cohorte. Toutes les personnes non voyantes sélectionnées étaient aveugles de naissance ou avaient perdu la vue à un jeune âge, soit avant la puberté.

Chercheur : Frédéric Gougoux
Courriel : fgougoux@yahoo.com
Financement : Instituts de recherche en santé du Canada, Conseil de recherches en sciences naturelles et en génie du Canada

 

 

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Octobre 2004


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